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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

Lorsqu’on établit, en guise d’impôt, des loteries, des maisons de jeu, ne favorise-t-on pas un vice fatal au repos des familles, fatal à la prospérité des états ? Quel affreux métier ne fait pas un gouvernement, lorsque, pareil à la plus vile courtisane, il excite un penchant honteux, et que, semblable aux escrocs qu’il punit de la flétrissure, il présente à l’avidité ou aux besoins l’appât d’une chance trompeuse[1] !

Les impôts, au contraire, qui découragent et rendent plus rares les dépenses du vice et de la vanité, peuvent être utiles comme moyen de répression, indépendamment de la ressource qu’ils procurent au gouvernement. M. de Humboldt parle d’un impôt mis sur les combats de coqs au Mexique : le gouvernement en retire 45,000 piastres, et de plus l’avantage de mettre des bornes à un genre de divertissement blâmable.

Quand l’impôt est excessif ou inique, il provoque des fraudes, de fausses déclarations, des mensonges. Les gens honnêtes sont mis dans l’alternative, ou de trahir la vérité, ou de sacrifier leurs intérêts en faveur des redevables qui n’ont pas les mêmes scrupules. Ils éprouvent le sentiment, toujours pénible, dont on ne peut se défendre en voyant attacher le nom, et même les punitions du crime, à des actions, je ne dis pas seulement innocentes par elles-mêmes, mais souvent très-utiles au public.

Telles sont les principales règles d’après lesquelles, lorsqu’on veut avoir

  1. Dans les jeux de hasard le public perd le profit des banquiers, en même temps que la rétribution que ceux-ci paient au gouvernement. C’est une partie de l’impôt qui ne tourne pas au profit du fisc. Les chances du hasard ont, en outre, cette fâcheuse influence, qu’elles habituent l’homme à attendre de la fortune ce qu’il devrait obtenir de ses talens et de son courage ; qu’elles l’accoutument à chercher ses gains dans les pertes faites par les autres, plutôt que dans les véritables sources, de la richesse. Les récompenses d’un travail actif paraissent mesquines auprès des amorces d’un gros lot. Les loteries sont d’ailleurs un impôt qui, quoique volontaire, porte presque entièrement sur la classe nécessiteuse, à qui le besoin peut seul faire braver la défaveur d’un jeu inégal. C’est presque toujours le pain de la misère qu’on y hasarde, lorsque ce n’est pas le fruit du crime.