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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE X.

que d’un centième, en supposant que la France n’entre que pour un dixième dans le débouché que l’Amérique trouve pour ses cotons.

Un impôt mis sur un objet de consommation, lorsqu’il est de nécessité première, affecte plus ou moins le prix de presque tous les autres produits, et par conséquent se prend sur les revenus de tous les autres consommateurs. Un droit d’octroi mis à l’entrée d’une ville sur la viande, les grains, les combustibles, fait renchérir tous les produits fabriqués dans cette ville ; mais un droit mis sur le tabac dans la même ville ne fait renchérir aucune autre denrée. Il affecte les producteurs et les consommateurs de tabac, et nul autre. La raison en est évidente : le producteur qui consomme des superfluités, est obligé de soutenir la concurrence de celui qui n’en fait pas d’usage ; tandis que le producteur qui paie un droit sur ce qui est indispensable, n’a pas de concurrence à redouter, tous les producteurs comme lui étant forcés de le payer.

Les contributions directes qu’on fait payer aux producteurs, affectent, à plus forte raison, les consommateurs de leurs produits ; mais, par les raisons qu’on a vues plus haut, ils ne peuvent jamais élever le prix de leurs produits assez pour être complètement remboursés du montant de l’impôt ; car, encore une fois, le renchérissement restreint la demande, et une demande moins forte réduit le profit de tous les services productifs.

Parmi tous les producteurs d’un même produit, les uns peuvent plus aisément que d’autres se soustraire à l’effet de l’impôt. Le capitaliste dont les fonds ne sont pas engagés dans cette affaire, les retire et les place ailleurs si l’on ne peut plus lui payer le même intérêt, ou si le paiement de ce qu’on lui doit devient plus précaire. L’entrepreneur peut, dans certains cas, liquider et porter ailleurs son intelligence et ses travaux ; mais le propriétaire foncier ou le capitaliste dont les capitaux ne peuvent se dégager promptement, n’ont pas le même avantage[1]. La quantité de vin ou de blé que produit une terre, reste à peu près la même, quel que soit l’impôt dont la terre est grevée ; l’impôt lui enlèverait la moitié, les trois quarts même de son produit net, ou, si l’on veut, de son fermage, que la terre serait néanmoins exploitée pour en retirer la moitié ou le quart que l’impôt n’absorberait pas[2]. Le taux du fermage, c’est-à-dire la part

  1. Voyez liv. II, chap. 5, comment le propriétaire foncier concourt à la production par sa terre, et doit par conséquent être considéré comme un des producteurs.
  2. Il ne convient d’abandonner la culture qu’autant que l’impôt enlève au-delà du produit net, ou, si l’on veut, du fermage. Alors il ne convient à personne d’exploiter la terre ; non-seulement le propriétaire n’en tirerait rien : l’impôt serait substitué au fermage ; mais le fermier, en payant l’impôt, paierait le fermage au-delà de sa valeur.