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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

du propriétaire, baisserait : voilà tout. On en sentira la raison, si l’on considère que, dans le cas supposé, la quantité de denrées produites par la terre et envoyées au marché, reste néanmoins la même. D’un autre côté, les motifs qui établissent la demande de la denrée restent les mêmes aussi[1]. Or, si la quantité des produits qui est offerte, si la quantité qui est demandée, doivent, malgré l’établissement ou l’extension de la contribution foncière, rester néanmoins les mêmes, les prix ne varient pas, le consommateur des produits ne paie pas la plus petite portion de cet impôt[2]. Le propriétaire ne peut, même par la vente de son fonds, se soustraire au fardeau de l’impôt ; car le fonds n’est payé en principal qu’en proportion de ce que l’impôt lui laisse valoir en revenu. Un homme qui acquiert

  1. Les produits de l’industrie agricole ont même cela de particulier, qu’ils ne deviennent pas plus chers en devenant plus rares, parce que la population décroît toujours en même temps que les produits alimentaires diminuent ; et que, par conséquent, la quantité de ces produits qui est demandée, diminue en même temps que la quantité offerte. Aussi ne remarque-t-on pas que le blé soit plus cher là où il y a beaucoup de terres en friche, que dans un pays complétement cultivé. Le blé n’est réellement pas plus cher en Espagne qu’au temps où régnaient Ferdinand et Isabelle, quoique l’Espagne en produise aujourd’hui bien moins qu’alors. Il s’y trouve aussi bien moins de bouches pour le manger. L’Angleterre, la France, au contraire, étaient beaucoup moins bien cultivées au moyen âge que de nos jours ; elles produisaient beaucoup moins de céréales, et néanmoins, autant qu’on en peut juger par comparaison avec quelques autres valeurs, le blé ne s’y vendait pas plus cher. Si le produit était moindre, la population l’était aussi : la faiblesse de la demande compensait la faiblesse de l’approvisionnement.
  2. Dira-t-on que le fermier, celui qui fournit l’industrie et les capitaux, partage avec le propriétaire le fardeau de l’impôt ? On se trompera ; car la circonstance de l’impôt n’a pas diminué le nombre des biens à louer, et n’a pas multiplié le nombre des fermiers. Dès qu’en ce genre aussi les quantités offertes et demandées sont restées les mêmes, le taux des fermages a dû rester le même aussi.

    L’exemple du manufacturier de sel, qui ne peut faire supporter à ses consommateurs qu’une partie de l’impôt, et celui du propriétaire foncier, qui ne peut s’en faire rembourser la plus petite partie, prouvent l’erreur de ceux qui soutiennent, en opposition avec les Économistes, que tout impôt retombe définitivement sur les consommateurs.