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S7 — COLONISATION ANCIENNE


lion. Lorsque la centaine vient à s’établir, filf occupe un territoire qui satisfasse à ses hesoins  ; et des villages se forment. Lorsque la migration est arrêtée, il n’est pas possible lie garder et de faire pâturer, dans une seule localité, plus de 300 tètes de bétail, qui cons- tituent l’appoint d’un village. Les familles ]iiéfèrent vivre ensemble et elles le peuvent jusqu’à concurrence de l’étendue d’un tel village. Il est donc tout indiqué que le peuple, <iui s’établit de cette manière, est un peuple nomade quia été forcé de se fixer sur le sol. I.e raisonnement paraîtrait déjà concluant, r’il n’était de plus, en même temps, corroboré par l’histoire.

On a émis sur la colonisation en villages des théories trop absolues. Des auteurs ont exagéré leur rôle dans le développement na- tional, Kemble et même Freeman pour les An  ;.’lù-Saxons , Konrad Maurer , Landau, <  ;. L. von Maurer, Georg Hansscn en Alle- magne, peut-être aussi Paul VioUet en Krance’. D’autres ont voulu en tirer des théories générales pour le développement de la propriété  : Sir Henry Sumner Maine, .lyant porté spécialement son attention sur les Indes, essaya d’en déduire des résultats généraux que l’on put utiliser pour une politique agricole contemporaine  ; Emile de Laveleye chercha surtout à ressusciter d’anciennes formes de propriétés communes pour y puiser des raisons en faveur de leur conservation ou de leur rétablissement de nos jours. Enfin, des théories particulières et jiarfois entièrement extravagantes ont été émises par les partisans du village russe, le mb\ Récemment, une série d’auteurs ont, de leur côté, opposé à ces théories des faits qui antérieurement n’avaient pas été obser- vés. Souvent, ils sont allés trop loin dans leur opposition, et ont eux-mêmes généra- lisé d’une manière qui n’est pas entièrement justifiée  : citons, par exemple, Fustel de Cou- langes, en France. Nous reviendrons sur ce sujet.

Comme résultat d’ensemble nous trouvons qu’il y a, depuis le commencement de l’his- toire, une dilTérence marquée dans la manière dont les ditTérentes races se sont établies. C’est chez les peuples de race teutonique que l’établissement en villages ou en fermes isolées est le plus accentué  ; mais chez les Celtes aussi, il y a des particularités remar- quables  ; de même chez les Slaves, et là où les Teutons s’établirent sur un sol celtique ou slave.

1. La première autorité que l’on doive invoquer sur ces matières, est M. Auguste Meitzen, de Berlin. C’est un représentant de la meilleure lignée de professeurs alle- mands, de ceux qui cherchent la \érité et rien que


2. Dans les pays toujours teutoniques.

Dans les pays qui ont toujours été teuto- niques, où on no connaît pas d’habitants d’une autre race, àaucune période, nous rencontrons partout, au commencement de l’iiistoire, l’étaljlisscment du peuple en villages d’un certain ordre. C’est le territoire qui s’étend au nord de l’ancien limca Bomanus  ; limité à l’est par le limes Sorabiruf  ;^ frontière qui, à l’époque de Charlemagne, séparait les Teutons et les Slaves, depuis Uatisbonne et le petit tlcuve de Regnitz, à Erfurt, en passant par la Saale, par l’Elbe, à gauche de l’Elbe par rOhre, à gauche de l’Ilmenau, et dans le Ilolstein, par la Delvenau et la Schwentine jusqu’à la baie de Kiel  ; limité à l’ouest par le Weser et plus au sud par les montagnes. Il faut y comprendre encore le Danemark, les pays colonisés les premiers en Suède, c’est-à-dire, en dehors de la Scanie alors danoise, les Gotelands et l’L’pland, le Sôder- manland et le Westmanlaud et même plus vers le nord et l’ouest  ; et enfin les côtes du sud-est de la Norvège, unies au commence- ment de l’histoire, avec le Danemark, et les côtes de l’ouest jusqu’au delà du fjord de Bergen.

Il semble que César ait indiqué, chez les Teutons, la transition d’une vie demi-nomade à l’établissement en villages. Ordinairement, on déduit de ce que César dit spécialement en parlant des Suèves, ce qui a été confirmé par Strabon, que les Teutons changeaient alors continuellement de champs et d’habi- tations d’après les ordres de leurs chefs. Nous avons vu un état analogue dans des périodes récentes chez les Russes du Caucase, etaux Indes. Nous voyons encore aujourd’hui, en Suède et en Finlande, les cultures alter- ner, pour le plus grand profit, avec des pé- riodes où les terres sont rendues au pâ- turage ou même à la forêt. C’est là une étape naturelle pour la culture la plu? exten- sive et la plus primitive. 11 est bien possible que les chefs aient essayé, comme l’indique

la vérité et qui poursuivent ce but avec une activité et une patience infatigables qui ne peuvent guère être sur- passées. M. Meitzen est un juge d’autant meilleur, sur ces questions, qu’il parait s’être occupé lui-même de travaux d’ar- pentage. 11 a écrit un grand nombre d’articles de revues et d’encyclopédies, pour la Prusse  : Z>it  ; ^oden-und die làndli- chen Verhâltnisse des pretissischen Staates nach die Gebiets- uiiifa>ii/e von 1866, 1S67, etc. Nous venons de recevoir, après avoir écrit ces articles, son ouvrage principal  : Siedluni/ und Af/rnrwesen der Westyermanen umi Ostgeiinanen, der Kelten, Hômer, Finnen und Slawen, 3 vd., 189ï. V. la bibliographie dans l’article Classes rurales et, chez d’autres auteurs, notamment Sir H. S. Maine, Village Comniunities m the East and WwMSTl. — Max Weber, Rômische Agrar- gescfiiclite, 1S91. — D"’ Lolhar Dargun, de Cracovie, dans Zeitschrift fur vergleichende Rechtswissenschaft, 1884. — Maxime Kovalevski, dans la revue italienne la Riforma so- ciale (1894).


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