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ANCIENNE — 86


COLONISATION ANCIENNE


COLONISATION ANCIENNE EN VILLAGES OU EN FERMES SÉPARÉES.

SOMMAIRE

1. Les villages, en tant que formes anciennes.

2. Dans les pays toujours teutoniques.

3. Chez les Celtes,

4. La colonisation teutonique sur sol celtique

en Allemagne.

5. La colonisation teutonique en Angleterre.

6. La colonisation teutonique en France.

7. Des noms des lieux.

8. Le mir russe et autres formes de communauté

slave.

9. Colonisation teutonique sur sol slave.

10. Dans l’Orient et notamment aux Indes.

11. Causes générales de la vie des cultivateurs

en villages ou en villes. Bibliographie.

1. Les villages, en tant que formes anciennes.

L’ancienne colonisation par villages laisse encore aujourd’hui son empreinte sur la culture, sur la propriété et sa distribution. La forme des villages et la culture en com- mun se retrouvent chez beaucoup de races, même chez les Dyaks de l’île de Bornéo, les Fidjiens en Australie, chez des tribus indiennes en Amérique et les Basutos dans l’Afrique du Sud. La culture et la propriété en commun ne sont pas des formes abso- lument primitives  ; elles exigent, au contraire, un certain développement. Mais, pour beau- coup de races et de peuples, elles ont été des formes intermédiaires. Il est naturel que les nomades, avec leurs nombreux troupeaux, vivent en villages et commencent leurs pre- mières cultures en commun. Il en est de même pour les bandes guerrières. M. Maxime Kovalevski nous rapporte différents exem- ples, chez les divers peuples du Caucase, tantôt de communautés de famille, tantôt de communautés de village. Plusieurs de ces peuples présentent des exemples intéressants de la persistance de coutumes qui, après s’être développées par la vie nomade ou l’agriculture sur de grandes plaines, se conti- nuent dans des milieux tout à fait difîérents-

Ce sont spécialement les Indes que Ton regarde comme ayant fourni les types de l’ancienne Europe aryenne, et l’idée que le village est la base sociale naturelle, est même arrivée à avoir une grande influence sur la politique rurale de l’administration anglaise. Le système de village est moins dé- veloppé chez les premières races aryennes, qui se sont mélangées avec les races anté- rieures. Les lois de Manou parlent de la pro- priété et de la culture individuelles. Alexandre rencontra des villages dans son expédition et traita avec leurs chefs. On en trouve au- jourd’hui, dans le nord-ouest des Indes, et chez des races non aryennes, et chez des tribus aryennes qui ont été conquérantes


dans une période relativement moderne. Une grande partie du développement, surtout de la propriété commune, est même due aux décisions des Anglais, et il faut admettre que la relation des formes indiennes avec les formes européennes est, en somme, assez obscure. En Europe, la colonisation par vil- lages se remarque surtout au nord des Alpes  ; elle est moins manifeste sur le littoral méditerranéen, qui fut cultivé lo premier, et où la culture se faisait surtout par des es- claves. Cependant, chez les Grecs et les Romains, on croit pouvoir démontrer que leur premier établissement eut lieu en villa- ges, mais leurs traces sont, en tout cas, généralement effacées par les vagues de l’his- toire ultérieure. Il en est autrement des pays au nord de la chaîne des Alpes, qui étaient anciennement couverts par des glaciers, mais où s’établirent à la longue les Celtes, les Teutons et les Slaves, qui tous connais- saient déjà bien l’agriculture, ainsi que les principaux métiers primitifs, comme le prou- vent les mots qui désignent ces choses et qui sont communs dans leurs langues, et en partie, même dans toutes les langues aryennes.

C’est surtout chez les nations de l’ace teu- tonique que l’établissement en villages a été caractéristique, et on croit pouvoir précisé- ment démontrer de quel état de civilisation ils sont sortis. Dans les pays Scandinaves, on a gardé, surtout comme districts judi- ciaires, les anciennes divisions des centaines. Ce sont, du reste, des divisions de la même étendue qu’on retrouve en Angleterre, chez les Alamans et chez les Franks. Ce qu’on sait sur l’ancien territoire des Suèves en Allema- gne, qui possédaient, d’après César, \000 pagi et même qui avaient 200 000 guerriers , donne la même indication  ; 200 000 guerriers représentent 124 000 familles et l million d’individus. Or, M. Meitzen calcule qu’un tel district, contenant de 10 000 à 30 000 hec- tares de bonnes terres, pouvait suffire à nourrir justement une « grande centaine », soit 120 familles, vivant de leur bétail, et que chaque village (il y en a environ une douzaine dans chaque district, ce qui donne une moyenne de 10 familles par village) avait aussi justement les tci-res qui étaient néces- saires pour les 10 familles. Il estime que ces 10 familles ont besoin des produits de 300 têtes de bétail environ (3 vaches, dans le pâturage , correspondant à 2 chevaux , à

 ;{0 chèvres, 30 moutons et 12 porcs). Au cours 

des migrations, il était possible de surveiller un troupeau qui ne dépassait pas 3600 bêtes de bétail de diverses espèces  ; les membres des 120 familles suffisaient à cette occupa-


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