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les villages slaves tombés sous la domination allemande, on a toujours trouvé l’autorité d’un supérieur de village, zitpan ou slar- jesina {starost, en Russie). Ce caractère ot ces tendances peuvent se développer particulièrement là où l’on est arrivé à l’institution du mir, chez les Grands-Russes, race d’origine finno-tartare et qui a vécu pendant longtemps sous le joug des Mongols  ; mais ils existent plus ou moins chez tous les Slaves, dont le caractère est très différent de celui des Teutons.

Le premier qui ait pour ainsi dire découvert le village russe, est un Allemand, le baron Alexandre von Haxthausen, au cours des voyages qu’il titdansla Hussieen 1842 et 1843. Il rencontra à Moscou un cercle de jeunes Russes intelligents, dont la plupart avaient étudié en Allemagne et avaient accepté les idées philosophiques de Hegel ou de Schelling. Lui-même, conservateur catholique westphalien, contribua à créer les deux écoles nationales russes qui exercèrent dans la période suivante une inthience si puissante sur le pays. Les disciples romantiques de Schellins acceptèrent comme slavophile l’idée du mir, le regardant comme une institution particulière de l’antiquité russe, institution à laquelle était réservé le rôle de renouveler la civilisation pourrie par l’individualisme de l’Occident. La commune russe, qui donne une terre à tous, devait être la base de la véritable humanité, maintenir et développer la force populaire. Alexandre Herzen et ses amis, parmi lesquels l’anarcliiste Hakouuine, appartenant à la gauche des Hégéliens et inlluencés aussi par le socialisme français, mettaient, au contraire, en relief surtout le côté démocratique de la commune russe. Herzen concédait, du reste, qu’elle est trop communiste, qu’elle absorbe l’individualité et engourdit le peuple. Dans le monde littéraire de Moscou, le professeur Tchitcherine représentait l’autre parti, dit « gens de l’occident », et voulait suivre la civilisation occidentale. On discuta jusqu’en 1859, lors de la préparation de la loi d’émancipation des paysans  ; des slavophiles exerçaient une inlluence considérable dans les Commissions chargées de décider si l’on conserverait le mir ou non. A cette époque, Katkof défendait avec Vernadski la propriété personnelle. Solovief, Kochelef, comme aussi Smirnof, recommandaient, du reste, le développement de la propriété communale à côté delà propriété personnelle. Les deux partis, les slavophiles réactionnaires et les slavophiles radicaux, s’unirent pourtant, après la malheureuse insurrection polonaise de 18G3, lorsque Herzen eut perdu son iutluence en soutenant les Polonais  ; tous les deux voulurent dès lors se servir de la commune paysanne comme d’une arme contre les proprii’-taires polonais dans la Pologne proprement dite, ainsi que dans les anciennes provinces polonaises de la Petite-Russie et de la Lithuanie. Il ne pouvait pas être question delà commune agraire, qui n’existait pas dans ce pays, nuiis ils firent une révolution économique et utilisèrent, en partie, la commune administrative. Milutine fut, dans son œuvre néfaste, assisté par J. Samarine et le prince Tcherkasky, par Kochelef et, en fait, par tout le parti national, aristocrates et démocrates, sous la féroce direction de Katkof. Ce furent, en partie, ces mêmes hommes qui attaquèrent aussi la liberté et la civilisation des Provinces balti- ques, et qui furent, plus tard, envoyés pour organiser la Bulgarie et faire soi-disant son bonheur.

En général, on trouvait donc lors de l’abolition du servage, en 1861, chez tous les Grands-Russes, le mir ou la commune avec le système des partages renouvelés périodique- ment au bénélice des âmes (il s’agit ici des âmes telles que les comprennent les listes de revision, c’est-à-dire seulement des individus mâles) ou des familles (c’est-à-dire des hommes mariés). Le partage par âmes était la règle des domaines de la couronne, et le partage par famille était celle des propriétés privées. Dans certaines parties du pays, les paysans payaient, par commune, l’obrok ou la capitation  ; dans d’autres parties, ils culti- vaient une portion des terres, un tiers, par exemple, pour le seigneur, en y consacrant trois jours par semaine, et ils cultivaient le reste, le JSadel, à leur profit particulier. La plus grande part de l’industrie nationale était aussi l’œuvre des villages qui exerçaient là aussi, dans une certaine mesure, une ac- tion d’ensemble, qui achetaient et vendaient à compte commun, etc. Les paysans d’une propriété seigneuriale étaient souvent, dans les régions fertiles, groupés dans de très grands villages. Les l*etits-Russiens, ainsi que d’autres populations unies à eux par la raco, cultivaient aussi d’ordinaire les terres seigneuriales, mais le plus souvent ils avaient, surtout hors des domaines de l’État, conservé leurs possessions héréditaires dans des villa- ges sans l’institution particulière du mir.

Lors de l’émancipation des serfs, on tomba d’accord pour conserver le mir  : les uns le regardaient comme la forme qu’il fallait dé- finitivement maintenir et qui était même destinée à renouveler le monde  ; les autres le reconnaissaient comme une forme indis- pensable de transition. Les neuf années que l’on croyait nécessaires ù une transition ont


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