Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ductcurs, il étudie les conséquences de la , « communication des marchés », et il en arrive à trouver que cette communication des marchés diminue la production, et que leur isolement tend à augmenter la quantité des denrées livrées à la consommation. Par suite, cela tendrait à établir que l’amélioration des voies de communication ne procure pas d’avantages au corps social. Mais Cournot, que ce résultat étonne, constate le fait sans avoir la prétention « absurde » de contredire l’opinion qui croit à l’amélioration des voies de communication ou à l’extension des marchés.

Il en est de même dans ses recherches, sur le « revenu social » et ses variations résultant de la communication des marchés. Là encore il prend un exemple dans J.-B. Say — le fret hollandais — et conclut à la protection de la marine nationale. Il ne voit en ce problème que les bénéfices de cette protection obtenus par ceux qui en profitent. Il s’arrête à la solution arithmétique parce qu’il n’a pointintroduit, dans ses données, les conséquences multiples de l’établissement d’un monopole sur la puissance productive du peuple qui le subit. Cournot pense d’ailleurs « que les questions telles que celles de la « liberté commerciale, ne se résolvent ni « par les argumentations des docteurs ni « même par la sagesse des hommes d’État. » Une saine théorie a pour but surtout d’apprendre à éviter les changements brusques et à ménager les transitions. Et comme, malgré l’influence considérable exercée sur lui par l’argument du travail national, son espritscientifiqueserefuseà accepter l’absolu de ces solutions, Cournot écrit  : « En tout « cas l’État ne peut pas préférer à tout prix « les nationaux aux étrangers. »

Ce premier essai de Cournot n’eut pas de succès. Les économistes de l’époque qui ne s’adonnaient guère à l’étude des mathématiques, ne le critiquèrent pas. Peut-être même certaines solutions de ce livre, si contraires à l’évidence des choses, contribuèrent-elles à faire considérer les mathématiques comme absolument impuissantes en ce qui regarde les problèmes économiques. Quoi qu’il en soit, l’auteur abandonna ses recherches sur l’économie politique et entreprit d’autres travaux. Il publia vers 1843, une Exposition de la théorie des chances et probabilités, et en 1851 deux volumes sur les Fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique où il revient encore à la théorie du probabilisme. Enfin, après avoir écrit un livre de philosophie sur l’enchaînement des idées fondamentales dans la science et dans l’histoire, il revint à l’économie politique en 1863, avec son exposé des Principes de la théorie des richesses. Cette fois, un peu découragé, dit-il, par sa .première tentative avortée, éclairé en outre, sur la relativité et la complexité des phénomènes sociaux, par ses études philosophiques, il n’introduisitdans cet ouvrage aucune formule mathématique. Ses idées s’étaient lentement modifiées. A la ferveur du début succédait une prudence acquise dans la méditation des problèmes de l’histoire  ; aussi, conclut-il, après trente et quelques années de travail, dans l’un de ses derniers ouvrages, Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes par les considérations suivantes  : «Nous sommes « sûrs, écrit-il (liv. V, chap. VII) que notre mécanique, notre physique, notre chimie, ne sont pas de purs amusements de l’esprit, quand la nature nous offre, dans la structure des êtres inanimés la copie ou le modèle de nos poulies, de nos leviers, de nos filtres. Donc nous avons des motifs de croire que les conditions qui rendent pour nous la science possible sont aussi les conditions qui, dans le plan de la nature, président à l’apparition des phénomènes dont la science s’occupe  ; et c’est ce que nous avons tâché d’établir en rappelant les circonstances qui favorisent de plus en plus, l’avènement de la liberté économique ».

Le dernier ouvrage que publia Cournot, ouvrage qui est loin d’avoir l’importance de ceux que nous venons de citer, est une Revue sommaire des doctrines économiques qui parut l’année même de sa mort. Comme l’indique le titre, l’ouvrage est plutôt une sorte de résumé.

Si l’on considère Cournot au point de vue économique, il nous semble être surtout un critique. Il s’essaya bien plus, en effet, à vérifier les travaux des autres, qu’à établir des théories, même lorsqu’il suivit la méthode positive dans l’étude philosophique de l’histoire. Comme tel, on doit reconnaître à Cournot, une des plus hautes et des plus nécessaires qualités du critique  : la probité scientifique. Ses travaux d’ailleurs, même ceux qui n’aboutirent pas, sont loin d’avoir été inutiles, puisqu’ils ont été le point de départ — surtout à l’étranger — d’essais plus complets et plus méthodiques dans l’application de l’analyse mathématique à l’étude des phénomènes économiques. A cet égard Cournot a eu le mérile d’être un précurseur.

A. L. Bibliographie.

Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses. 1838. — Exposition delà théorie des chances