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AGRICOLE


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CREDIT AGRICOLE


La première tentative de création légale de caisses rurales remonte, en eiïet, à 1840, et c’est seulement en 1894 qu’elle a reçu une première consécration, une solution partielle. C’est dans sa session de 1840-1841 que le conseil général de l’agriculture, des arts et manufactures, émit le vœu qu’on fît étudier à Tétranger et spécialement en Allemagne « des institutions de crédit signalées comme pouvant fournir d’utiles indications pour (les créations similaires susceptibles d’être fondées en France ».

Alin de répondre à ce vœu, Cunin-Gridaine, alors ministre de l’agriculture et du com- merce, confia, en 1843, à un inspecteur gé- néral de l’agriculture, Rover, le soin de faire sur les lieux Tenquète sollicitée. Le choix de Rover était des plus heureux, et son rapport, imprimé en 1843, peut être, encore aujourd’hui, considéré comme une œuvre économique de premier ordre.

A la fin de 1845, le conseil, à la demande duquel l’enquête avait été faite, futréuni de nouveau, et émit l’avis que « dans l’intérêt de la propriété et de l’industrie agricoles, il V aurait une grande utilité à introduire en France une institution analogue à celle des sociétés de crédit foncier allemandes, et à continuer les études sur l’organisation du crédit agricole mobilier ».

Sous le gouvernement républicain de 1848, un ministre d’affaires, qui sut faire de grandes choses en peu de temps, Tourret, prési’uta à l’Assemblée nationale un pre- mier projet de loi partiel, mais bien conçu, sur les avances à l’agriculture par l’État, projet qui n’aboutit pas. Depuis lors la constitution du crédit agricole mobilier n’a jamais cessé d’être à l’étiide, à l’ordre du jour même.

Il semblait que cette institution fût une chimère irréalisable à la poursuite delaquelle on s’acharnerait vainement  ; on a accumulé les travaux, enquêtes, rapports, projets offi- cieux et officiels, sans jamais aboutira autre chose qu’à constater l’impuissance du légis- lateur en cette matière. Deux grandes com- missions furent convoquées sous le second empire, en 18’a6 et en 1806, pour étudier à nouveau la question et préparer un projet (le loi  : on s’est toujours égaré dans la recher- che d’un idéal insaisissable, les rapports succédant aux enquêtes, les projets succé- dant aux rapports, sans pouvoir arriver à obtenir une sanction légale du principe en cause. Citons cependant au passage les beaux travaux de M. Josseau sur cette ques- tion.

En 1879-1880, sous la république, une troisième commission extra-parlementaire


solennellement constituée, dont M. Labi- che, sénateur, fut rapporteur, formula des conclusions qui peuvent être ainsi résu- mées  :

1" Ni l’État, ni les départements, ni les communes, ne doivent directement s’immis- cer dans les opérations du ciédit au profit d’une industrie quelconque.

2" L’État ne doit accorder aucun concours, même sous forme de surveillance ou de confr(’)le, aux établissements de crédit fondés dans l’intérêt de l’agriculture.

3° Il y a lieu d’apporter diverses modifica- tions à la législation.

Ainsi, d’une part, on restait au principe non interventionniste des économistes, tan- dis que, d’autre part, on reconnaissait la nécessité de modifier certains textes du code civil qui entravaient la libre organisation du crédit.

Le rapport de cette commission fut suivi du dépôt au Sénat par MM. Léon Say, minis- tre des finances, et de Mahy, ministre de Fagriculture, d’un projet de loi ayant pour objet  : 1° le nantissement sans déplacement du gage  ; 2° la réduction du privilège du bailleur d’un fonds rural  ; 3° l’attribution des indemnités dues par suite d’assurances  ; 4° la commercialisation des billets à ordre. Déposé le 20 juillet 1882, ce projet de loi aboutit, après sept ans de discussions, de ren- vois d’une Chambre à l’autre, et de modifi- cations à la loi restreinte du 19 février 1889, relative à la restriction du privilège du bail- leur d’un fonds rural et à l’attribution des indemnités dues par suite d’assurances. Le crédit agricole était un peu relégué au second plan dans cette loi.

Le dernier projet a heureusement subi moins de vicissitudes. Il date seulement de 1892, et a eu pour parrain M. Méline, qui a pu fort opportunément utiliser l’institu- tion récente des syndicats agricoles. Mais il ne faut pas l’oublier, et nous allons es- sayer d’en exposer les raisons, la loi du o novembre 1894 ne crée pas le crédit agricole purement et simplement  : son objet est plus limité.

Remarquons toutefois, au préalable, que depuis quelque dix ans, on a beaucoup fait en France dans la voie de la création d’insti- tutions de crédit agrcole mobilier. En l’ab- sence d’une loi réplant la matière, l’initiative privée s’est exercée en divers sens, et la pratique de ces dernières années, devançant la loi, a pu fournir d’utiles enseignements. La série des expériences confuses, si le mot n’est pas excessif, aura donc eu cela de bon qu’elle aura servi à indiquer, pour l’avenir, ce qu’il y a de mieux à faire.


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