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DIT AGRICOLE


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CRÉDIT AGRICOLE


curer l’argent nécessaire aux prèls  ; on pou- vait sadresser à des procédés divers  : émission d’actions, prêts par les caisses d’épargne, admissions de dépôts, ventes d’obligations agricoles  ; quelques syndicats ayant réuni un patrimoine ont pu l’utiliser pour le faire ser- vir de garantie vis-à-vis d’un banquier intermédiaire, qui avançait les fonds des opérations. On a aussi fait du crédit indirec- tement en garantissant la dette des cultiva- teurs, sans qu’il fût versé aucune somme d’argent, cette garantie se traduisant effica- cement pour eux en un délai qui leur était accordé pour le paiement de sommes exigibles.

Le syndicat de Poligny a créé, dès 1885, une société anonyme à capital variable con- formément ânoslois générales sur les sociétés commerciales  ; — c’était à cette date la loi du •2i- juillet 1867. — Le capital de cette associa- lion divisé en actions de oOO francs a été formé de deux parties bien distinctes  : la première qui s’élève à 20 000 francs attribuée aux actionnaires-fondateurs, s’étant interdit de demander eux-mêmes des avances à la société, et qui statutairement n’ont droit qu’à un intérêt fixe de 3 p. 100  ; la seconde souscrite par les actionnaires-sociétaires comprend des actions libérées d’un dixième seulement, mais le dividende à leur servir peut s’élever à 5 p. 100  ; ces actionnaires- sociétaires ont seuls la faculté d’user du crédit de la caisse. On doit remarquer que la constitution même du capital ne répond pas ici aux vrais principes de la mutualité  ; on fait une situation meilleure aux petits actionnaires, mais on grandit d’autant l’in- fluence des fondateurs qui passent au rang d’actionnaires-bienfaiteurs.

La coopération doit être réelle pour porter tous ses fruits  ; dans d’autres milieux on ris- querait, si on voulait généraliser ce type, de ne pas trouver le même concours de bonnes volontés. Le conseil qui dispose de l’autorité et qui peut écarter les demandes de crédit qui ne lui agréent pas, peut en certaines occurrences se faire l’instrument d’une coterie . Reconnaissons néanmoins que l’asso- ciation de Poligny a admirablement réussi et rendu de grands services  : la progression régulière de ses bilans annuels en fait foi. On ne peut évidemment contester à personne le droit de s’intéresser à une institution qu’il trouve bonne, conforme à ses vues et de la propager  ; mais il n’en est que plus indis- pensable de voir se créer des caisses de crédit sans caractère doctrinal, absolument neutres, impersonnelles, impartiales autant que peuvent l’être des institutions humaines, quelque chose comme des caisses d’épargne,


les bureaux de poste ou des monts-de-piété. L’intervention de la loi peut seule donner les bases nécessaires à ces institutions.

Parmi les autres types de caisses de crédit mutuel antérieurs à la loi de 1894, signalons celui de la société d’agriculture de Belfort, qui avance simplement aux petits cultivateurs les engrais et semences, et ne se fait payer (ju’après la récolte  ; on fait là du crédit à long ternie, jusqu’à huit et dix mois, mais aucun papier n’est mis en circulation. A retenir également la pratique du syndicat de l’Ariège qui se sert do son fonds de rou- lement constitué sur la caisse syndicale pour acquitter en une seule traite les commandes des membres associés faites à un même fournisseur.

Il faut enfin signaler comme intéressant, le fonctionnement du syndicat de Compiègne. Ce syndicat n’ayant pas de capital a traité avec un banquier intermédiaire, responsable directement vis-à-vis des vendeurs, et de la banque à la(|uelle il négocie les traites qui lui sont xemises en échange de produits achetés à crédit  : cet intermédiaire prélève un intérêt de 6 p. 100, soit Ofr. oO par mois. L’organisation cherchée n’apas été partout également heureuse, ainsi que ces exemples le démontrent.

Il y a lieu de prévoir évidemment que, sous rintluence de la nouvelle loi de 1894, beau- coup de ces caisses de crédit que nous citons vont se transformer en caisses mutuelles conformément au type que consacre cette loi.

De l’observation attentive de la pratique du crédit par les syndicats avant la loi de 1894 on déduit un enseignement. Il faut que les opérations d’avances soient faites avec aisance et sans gêne, aussi bien par la caisse mutuelle que par l’emprunteur  ; si le syndicat ne peut faire que des prêts insuffi- sants, il ne pourra avoir une clientèle sérieuse  ; si le remboursement n’est pas reporté à une date normale de rentrée de fonds pour le cultivateur, celui-ci s’interdira toute opération de crédit ou compromettra même le succès de l’institution de crédit. De plus, pour les avances de sommes un peu importantes, il faut pouvoir admettre la libération du débiteur par acomptes éche- lonnés sur un espace de temps convenable- ment calculé. Bien évidemment aussi, le cré- dit doit être facile et à bon marché pour être accessible et éloigner toute tentation de recourir à l’usurier.

L’intervention d’un syndicat agricole dans la mise en circulation d’un billet d’agricul- teur donne à cet effet une garantie considé- rable et précieuse qui en augmente la


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