Page:Say et Chailley-Bert - Nouveau dictionnaire d'économie politique, supplément.djvu/165

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(ion ilr la j/<s//(Y-ou (le l’i^galité des avantages (|iio If coiitiat (le vente doit procurer à la fuis aux veii(l(!urs et aux acholeurs. Qu’d’- tait-ce que le juste prix des caiioiiistes ? Ce n’(Hait ni plus ni moins que le coût de production comprenant les dépenses de trans- port et d’entretien de la marchandise, ainsi (ju’un biMU’Iice raisonnable  ; conccjjtion en somme assez natuiclle dans une (!^’po(]uo où, comme nous l’avons vu, la consomma- tion s’opterait au lieu de production et où le coiU de revient (Uait dès lors relative- ment aisé à déterminer. Qu’il y ait des os- cillations de prix résultant des variations de l’ofTre, c’est ce que saint Thomas no con- teste pas et il mentionne nnime le cas de la cherté du blé. Mais pour lui comme pour les autres docteurs, il existe en chaque lieu et à chaque moment un juste prix pour toute chose, et il est d’obligation que celui des con- tractants qui a été nolableincnt lésé, soit in- demnisé par la partie adverse. Seules les dilTércnces modiques en plus ou en moins ne vicient pas le contrat. Au moyen âge, la conception de la valeur est donc purement objective et il n’est fait aucune concession <à ce que nous appellerions sa détermination subjective. Cette conception objective régit les actes de l’acheteur comme du vendeur, quoique l’Église et avec elle les pouvoirs pu- blics se soient particulièrement préoccupés des intérêts de l’acheteur, c’est-à-dire du consommateur et surtout du consommateur des denrées et des produits nécessaires à la vie.

Nous avons reconnu que saint Thomas d’Aquin se prononce en faveur de la légiti- mité d’un gain raisonnable considéré comme rémunération d’un service rendu ou d’un travail effectué. C’est que dans ses enseigne- ments l’Église a eu le mérite de demeurer fidèle à son rôle de protectrice des petits et lies hum])les, que, rompant avec les mœurs de l’antiquité, elle a assigné au travail une place d’honneur, et que sa doctrine a tou- jours inflexiblement défendu ce dernier. A la vérité, quelques rigoristes austères imbus de la supériorité de la vie contem- jdative avaient pu objecter que le travail ne procure pas la vraie tranquillité, celle qui mène à Dieu, mais l’immense majorité dos canonistes déclare que le travail a une valeur en soi et que tout travailleur mérite son salaire  ; le Corpus va même jusqu’à traiter de frères celui qui verse le sang et celui qui fait tort à son serviteur à gages. La terre étant la source première des biens nécessaires à la vie, le travail agricole est le plus honorable  ; Yartificiwn, c’est-à-dire le travail appliqué aux substances fournies par


la terre ne vient qu’au second rang  ; cepen- dant il ne déplaît pas à I)i<!U et il est licite (le se livrer au comtiii icc des objets qu’on a fahriijués soi-m(^nie. Nous avons déjà si- gnalé les scrupules qu’excitait la mercatura ou le commerce d’achat et de revente d’ar- ticles produits ou achevés par autrui.

En elbît le commerce proprement dit sem- blait aux canonistes confiner d’une fa< ;on périlleuse à l’usure qu’ils ont implacable- ment et invariablement condamnée  : nous touchons ici au principe qui a imprégné toute leur doctrine économique, qui l’a faus- sée et qui les a égarés dans un dédale de distinctions et de subtilités le jour où les échanges commerciaux venant à renaître, ils ont dû s’employer à concilier les exi- gences de la réalité avec les exigences de leur principe. Celui-ci se fonde sur l’inter- prétation littérale du célèbre verset de saint Luc  : « Mutuum date, nihil inde sperantes  : Prêtez sans rien espérer en retour. » Au sens de l’Église, il n’était pas circonscrit aux seuls prêts en argent, mais comprenait tout prêt quelconque  : « Il y a usure, dit le Coiyiif^, toutes les fois qu’on réclame plus qu’on n’a donné... Il peut y avoir usure pour la nour- riture, usure pour le vêtement  ; il y a usure toutes les fois que quelque chose s’ajoute à l’objet prêté  ; donne-lui le nom que tu voudras, c’est toujours de l’usure. » Pour- tant, aux premiers siècles, alors que le droit romain, qui autorisait le prêt à intérêt, était encore en pleine vigueur, les conciles (en particulier celui de Nicée en 323) n’in- terdirent l’usure qu’aux clercs  ; néanmoins la tendance constante fut d’étendre le cercle de cette interdiction et, dès 443, le pape Léon III déclarait l’usure damnable pour les laïques, décision qui fut ratifiée par les Capitulaires de Charlemagneetplusieurs con- ciles du neuvième siècle. A partir du milieu du douzième siècle, les sentences pontifi- cales se succèdent sévères et rapprochées et s’attaquent à toutes les formes que l’usure est susceptible de prendre. En 1 17".), Alexandre III prononce l’excommunication et la priva- tion de la sépulture chrétienne contre les usuriers manifestes. En 1186, Urbain lll frappe ceux qui réclament une indemnité élevée à cause d’un retard dans le rem- boursement  ; en 1213, il est interdit de stipuler un prix plus élevé pour une vente à crédit  ; en 1236 Grégoire IX va jusqu’à dé- clarer usuriers ceux qui se font attribuer une indemnité ultra sortem pour se couvrir d’un risque encouru. Les prêts à la grosse aventure bénéficièrent seuls d’une exception à cette règle. En 1273, Grégoire X ordonne de chasser les usuriers des communes, des


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