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ÉCONOMIE RURALE


muns et en conduisant à changer beaucoup de terres cultivées en pâturages enclos, ce fut le développement industriel  ; la laine eut beaucoup de valeur  ; on la produisit pour l’industrie nationale et pour l’exportation. Dans le xv’^ siècle, c’est une cause de la trans- formation de terres paysannes en plus grandes fermes avec plus de pâturages. On se plaignait des clôtures des terres communes et de la diminution du travail  ; une insurrection dans les comtés de l’Est, en 1543, est dirigée contre les clôtures. L’on se rappelle les plaintes de l’évèque Latimer dans ses sermons, de sir Thomas Moore dans son Utopie, et d’autres, contre le pacage des moutons envahissant les terres arables  ; lorsque les petits proprié- taires vendent leurs fermes aux grands, c’est sans doute parce qu’ils le trouvent profitable  ; Fitzherbert, dans son Book of Surveijing de 1323, défend aussi avec énergie les clôtures  ; de même lord Bacon.

Dans le siècle dernier, lorsque la famille de Richard Cobden et une masse d’autres petits propriétaires vendent leurs fermes, c’est parce que l’immense développement de l’industrie et du commerce les attire. S’il n’y a aujourd’hui encore qu’un très petit nombre de fermiers qui désirent devenirpropriétaires, c’est parce qu’il est plus avantageux de rester fermier et de ne payer que 2 à 2 1/3 p. 100 du capital fixe qu’ils emploient quand eux-mêmes reçoivent plutôt 10 p. 100 de leur capital, qu’ils emploient en capital circulant. La grande richesse du pays et tous les avantages sociaux, communaux et poli- tiques rendent possible cet arrangement, ces placements en terre et ces fermages à bon marché.

Dans ce siècle ce développement écono- mique, qui rend avantageux pour les petits propriétaires de vendre leur ferme, a con- tinué, et quelques auteurs croient même que la plus grande absorption de ceux-ci par les grands propriétaires s’est faite à notre époque et que la disparition de beau- coup de petits statesmcn du Cumberland et du Westmoreland n’est qu’un exemple de ce qui s’est passé partout. Dans d’autres endroits, on a cependant vu un morcellement considé- rable, mais par suite de transferts à d’autres classes plus adaptées aux exigences modernes. Faute d’une statistique officielle, nous n’avons guère de données certaines.

5. Clôtures.

Les clôtures ou les défrichements des pâtu- rages communs ont nécessairement eu un autre caractère en Angleterre et en Ecosse que dans beaucoup d’autres pays, simplement parce que la propriété y a été développée


d’une manière plus libre et moins confuse. Le plus souvent, c’est à tort qu’on a porté des plaintes contre l’utilisation des vastes pâturages par les grands propriétaires. Tout au plus, ce sont les ouvriers qui y ont perdu, parce qu’ils ont été privés de certains droits coutumiers, surtout du droit de pâturage. D’après Arthur Young et toutes les autres autorités de valeur, rien n’a plus contribué, pendant certaines périodes, au développement de l’agriculture. L’Ecosse possède déjà, enl69o, un act sur la clôture des terres communes. Vact général pour l’Angleterre ne date que de 1845. Nous ne parlons pas ici des anciennes clôtures. ’^ia.is, depuis 1710, époque de la publi- cation du premier ac<, jusqu’à 1843, on a enclos au total un tiers de toutes les terres cultivées  ; au milieu du siècle dernier, la moitié du pays était encore en communautés de village (Voy. Colonisation ancienne en villages, etc.)  ; pendant la seule période de 1769 à 1799, on en enclôt 2 millions et demi d’acres. Récem- ment, on a eu soin de conserver les belles forêts et autres étendues d’intérêt général pour le public et l’on a favorisé l’emploi des terres en lots pour les ouvriers, changement de législation auquel l’économiste Henry Fawcett, par exemple, travailla très active- ment en 1869.

Des clôtures qui ont donné occasion à des objections particulières sont celles qui ont eu lieu dans les Highlancls écossais après l’abolition de la constitution des clans, lors de l’insurrection de 1745. Il fallait transfor- mer la société féodale en société indus- trielle. Le gouvernement et les cours ont reconnu les chefs comme propriétaires sans établir des droits spéciaux pour les membres des clans. On s’est pourtant plaint moins de la clôture des terres communes que de l’évic- tion des tenanciers des petites fermes qui, pour les propriétaires ne représentaient plus aucune valeur militaire. L’exemple le plus connu, c’est celui de Sutherland dont parle Léonce de Lavergne dans son livre sur l’Éco- nomie rurale de l" Angleterre et de l’Ecosse, et où le duc a réduit le nombre des fermes mal cultivées, et fait émigrer ou placé comme pêcheurs sur les côtes une partie des anciens petits fermiers. (V. sur les crofters  : lois agraires).

6. Droits et coutumes de succession.

Le droit de primogéniture contribue beau- coup à la concentration de la propriété fon- cière. Contrairement à l’ancien droit teuto- nique et anglo-saxon, il a été introduit par la féodalité normande et par les juris- consultes normands, spécialement vers 1200 et dans le siècle suivant.


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