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HEOEL


Son esprit tout réaliste le conduisit même à dus essais de réformes pratiques. Il étudia jusque dans le détail l’administration linan- cière do Herne. Son séjour à l*’rancfort- sur-le-Mein, où il fut précepteur, de 1797 à 181)0, dans la famille d’un néf,’ociant, favo- risa encore cette disposition d’esprit. U étudia l’économie i)oliUi[ue, commenta par écrit James Steuart (K  ; iiuuiuscrit de ce com- mentaire existe encore), suivit avec passion les débats du Parlement an  ;^lais sur la poor lair, et prit des notes sur la réforme alors débattue du Prcussic/ies LandreclU. La i)ublicalion de la Théorie du droit de K.int (17111) et de sa Métaphysique des mœurs (I7’J8) acheva de pousser Hegel à une crise intellectuelle où fut ébranlée sa croyance aux institutions établies. Ses manuscrits l’atlcs- ti’iit. Son pamphlet sî<r/’e/a< intérieur du Wur- teinbenj (1798), très imbu des idées de Rous- seau, manifesta publiquement la douleur qu’il éprouvait de la décadence politique et économique de l’Allemagne de son temps.

Il semble qu’il ait ébauché alors, sous Tin- Ihieiice des philosophics grecques, des mys- tiques allemands du moyen âge et des écrits de Schelling, une première forme de son système. Cette esquisse n’ajamais été publiée entièrement. Les fi’agments que nous en con- naissons montrent cependant que si l’ossa- ture du système est encore inachevée, la pensée s’est déjà émancipée à la fois du kan- tisme et des doctrines de Fichte et de Schelling, Ses théories sur la morale, sur le droit et sur l’Etat sont presque arrêtées déli- nitivement.

C’est donc avec une conscience entière de sa personnalité philosophique qu’il se fit inscrire comme ’pritat-doccnl à l’Université d’Iéna en 1801. H prit position tout de suite par une étude sur la bi/férencc entre les sys- tèmes de Fichte et de Schelliny et par une thèse inaugurale De Orbitis planelarum. Dans ces écrits il s’éloigne davantage de Schelling, qui enseignait à léna comme lui  : mais il espère encore « qu’ils pourront se rencontrer en amis ». Et comme leur désaccord ne portait pas encore sur les principes de la doctrine de Schelling, mais sur la manière de la compléter, ils éditèrent ensemble un Journal de critique philosophique qui dura de 1802 à 1803. Les articles que Hegel ]m- blia dans ce recueil sont peut-être ce qu’il a écrit de plus spontané, de plus vif et de plus éloquent. Une dissertation fougueuse sur les Méthodes s< :icnlifiqnes dans le droit naturel termina le recueil  : Hegel y atlaiiuait les principes juridiques des codes, incompa- tibles selon lui avec la moralité et la liberté, et il dénonça les systèmes de Kant et de


Fichto comme devant conduire à une orga- nisation de l’h^lat policier plus forte encore (lue celle de l’ancien régime. A ces con- ceptions surannées, il comptait substituer une doctrine sociale nouvelle, qu’il avait résumée dans un pamphbit intitulé Critique de la Constitution de l’Empire allemand, et plus abstraitement dans un écrit sur le .Sy.s- téme de la Moralité. Mais il n’eut pas le loisir de les faire paraître. .M. (i. Mollat les a itu- bliés de nos jours.

Son système en effet, mûri par l’enseigne- ment, .s’élaborait et l’absorbait tout entier. Hegel en exposa les bases psychologi<iues dans une large et poétique introduction, qu’il intitula Phénoménoloqie de l’esprit  ; et il en commençait l’impression lorsque éclata la catastrophe d’Iéna. Elle n’étonna point Hegel. U l’avait prédite et souhaitée. La comparaison entre l’armée française et l’armée prussienne lui avait paru, même moralement, tout à l’avantage de la preniière.

11 professait une admiration enthousiaste pour Napoléon, « cette âme du monde », comme il l’appelle dans une lettre à Nietham- mer. Et il ne souffrit pas trop du pillage de la ville, puisqu’il put sauver ses manuscrits. La Phénoménologie put paraître en 1807. Ce fut la rupture avec Schelling.

La difliculté de trouver de l’avancement à léna engagea Hegel a quitter cette Université. Il lit du journalisme à Bamberg de 1807 à 1808, et accepta en mai 1808 de prendre la direction du gymnase de Nuremberg. Son mariage en 1811 avec une jeune patricienne de Nuremberg, Marie de Tucher, le fixa dans cette ville jusqu’en 1810. Ces années, passées dans l’enseignement secondaire, ne furent point perdues pour son développement phi- losophique. Sa doctrine, qu’il s’habitua à exposer pour de jeunes esprits, se clarilia et prit la forme de déduction rigoureuse que nous lui connaissons. C’est à Nuremberg que parut, de 1812 à 1816, sa Science de la Loijique.

Toutefois il guettait une occasion de ren- trer dans l’enseignement des universités. Une chaire s’offrit à Heidelbcrg. Hegel l’oc- cupa de 1816 à 1818. Pour la première fois il y enseigna la psychologie et l’esthétique, et dans son cours de 1810-1817, il résuma l’ensemble de son système désormais achevé. Ce cours est devenu l’Encyclopédie des sciences philosophiques, publiée la même année. Une critique approfondie qu’il publia dans les . Heidclbcrqcr Jahrbiicher,en 1810, sur les états A de Wurtemberg réunis pour délibérer d’une ^constitution, lui attira la haine des partis vlaristocratiques de l’Allemagne du Sud, comme wlplus tard les mêmes doctrines constitution-


HEGEL —