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nelles lui valurent les dénonciations de Taris- tocratie féodale prussienne. Il y échappa provisoirement en acceptant une chaire à l’Université de Berlin que lui offrit le mi- nistre Allenstein en 1818.

Le succès de son enseignement fut im- mense, bien que son style eût perdu la vivacité de sa jeunesse et que son débit fût languissant. Mais dès sa première publica- tion, les attaques politiques recommencèrent. Sa Philosophie du droit, qui parut on 1821, ne plut ni aux faiseurs de constitutions abstraites ni aux partis réactionnaires. Elle était, en somme, une justification rationnelle à la fois du pouvoir personnel napoléonien, du parlementarisme anglais et de l’aristo- cratie anglaise. En Prusse on l’accusa de n’avoir pas été patriote. Le ministère toute- fois lui sut gré d’avoir combattu la déma- gogie.

Encouragé, il reprit ces idées dans le cours de philosophie de l’histoire professé en 1822 et en 1830. iMais en vieillissant il revenait aux prédilections de sa jeunesse  : il recom- mença ses études d’art et de littérature. A Berlin il collabora à une revue toute littéraire  : les Berliner Jahrbilcher fur Kritik. A Dresde, à Vienne, en Hollande, à Paris (où il vint en 1826), il se préoccupa de voir tous les théâtres et tous les musées. Son cours d’esthétique est sorti des matériaux amassés au cours de ces voyages et de ces lectures.

Le système, incessamment agrandi depuis 1807, ne reçut jamais une rédaction défini- tive. Les éditions remaniées de V Encyclopédie (en 1827 et 1830) ne peuvent en tenir lieu. Les notes de ses élèves qui occupent les tomes IX à XV de ses œuvres complètes n’y sauraient équivaloir. Nous ne connaîtrons jamais complètement ses idées sur la philo- sophie de l’histoire et de la religion, sur l’esthétique etsur l’histoire de la philosophie. La vieillesse le gagnait, et, avec elle, une aigreur profonde du mouvement d’idées qui l’environnait. L’approche de la révolution de 1830 le troubla et l’avènement du nouveau régime acheva de le jeter dans la réaction. Son dernier écrit, qui fut une Critique du Reforin- billanrilais {i83i) décèle une amertume égale à l’endroit des idées démocratiques et de l’aristocratie anglaise, préconisée par lui na- guère encore. Pour la première fois, il (it l’apologie pure et simple de la monarchie prussienne. Hegel mourut du choléra, brus- quement, en 1831.

2. Doctrine de Hegel.

Il ne peut être ici question ijuc de ses idées sociales, juridiques, économiques, politiques. Mais la doctrine sociale de Hegel obéit à la


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même dialectique que le système dont elle fait partie. Cette dialectique consiste en un certain nombre d’identilications et de conci- liations par où Hegel croit que l’esprit saisit le lien véritable des choses, et justifie à la l’ois leur existence et la certitude que nous en avons. Dans l’existence absolue, il ne saurait y avoir de différence entre un monde extérieur et un monde intérieur. Si donc notre con- naissance empirique admet cette différence, ce ne peut être là qu’une vue provisoire qu’il faut dépasser. La tendance qui est en nous de soumettre, d’identifier à notre vouloir interne la matière extérieure, en est la preuve. L’action est en nous une manifesta- tion de l’absolu.

Mais, dans une connaissance absolue, il ne peut y avoir non plus de différence entre le concept intellectuel et l’intuition, entre le général et le particulier. Connaître absolu- ment, c’est unir tous ces modes de connais- sance  ; c’est voir le général dans le particu- lier, et inversement. C’est joindre, dans une vision unique, la notion de toutes choses à leur intuition. En appliquant ce principe à la philosophie de l’action, on ne considérera jamais un vouloir particulier que du point de vue de la loi générale, et inversement. On ne concevra pas les existences individuelles sans un lien qui les unisse, ni une loi géné- rale sans une adaptation à des individus. On s’élève à l’idée d’une union parfaite de tous les individus dans un être concret et général à la fois, qui s’appelle un État ou une Nation, et qui est la réalisation même de la liberté.

Dans cette déduction de la philosophie pratique de Hegel, nous omettrons les théories purement morales, et dirons ce qu’elle fut dans la période de 1801 à 1821.

1 . Théorie du droit. — L’étude du droit est la recherche des conditions de la liberté. Cette liberté n’estpasl’arbitrairede chacun, comme est le libre arbitre psychologique. Elle est l’accord de toutes les volontés individuelles avec la volonté générale. Reste à définir cette volonté générale et à se demander comment se produit cet accord.

11 faut placer en tète de la philosophie pratique la considération du vouloir psycho- logique et montrer comment il se transforme en liberté juridique et morale. Psychologi- quement, vouloir, c’est identifier une notion générale, un dessein, avec une sensation particulière, qui est l’objet auquel s’arrête notre résolution. Et c’est aussi, en vertu d’un mécanisme que la philosophie de la nature explique, assimiler et identifier à notre vou- loir l’objet extérieur de nos perceptions. Ce double mouvement par où le vouloir se ma- nifeste dans le monde extérieur, tandis que


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