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ROSCHER


Dcinocratie{iSQO)  ; il est donc reslo tidèle, du moins en principe, à la méthode descriptive qu’il avait préconisée dès ses débuts.

Toutefois chez Roscher l’expression a dé- passé la portée de sa pensée, car s’il ne s’est pas adonné à l’idéologie économique, il n’a pas fait table rase de tout idéal quelconque. Dans chaque époque, chaque parti a poursuivi un idéal particulier  ; si comme historien Roscher s’est avec raison successivement placé au point de vue de chacun d’eux, il ne s’est pas interdit d’exa- miner jusqu’à quel point ces idéals succes- sifs correspondaient à l’idéal supérieur du bonheur général des hommes. Ses jugements ainsi localisés n’en sont pas moins des ju- gements portant aussi bien sur les théories que sur les actes  ; seulement ce sont les ju- gements d’une àrae douce portée à la bien- veillance. Du reste il a toujours admis qu’il faut autant s’attacher aux uniformités qu’aux diversités, et les adeptes intransigeants de l’historisme n’ont pas manqué de lui repro- cher des phrases comme celle-ci  : « Ricardo est un classique si éminent qu’aucune pres- cription ne prévaudra contre lui » {Litera- risches Centralblatt, 1878, p. 19).

Acceptant ainsi en bloc l’héritage doctrinal du passé, Roscher a donc pris une position intermédiaire entre ceux qui ne s’attachent qu’aux individus et ceux qui les noient dans les groupements collectifs étendus, qui seuls attirent leurs regards.

Tout en concédant que tout ce qui a existé a eu une raison d’être suflisante, il ne de- meure pas moins fort délicat d’opérer la conciliation de tant d’éléments en conflit. Comme l’avoue Roscher lui-même à la page 330 de son Histoire de VÈconomic ’politi- que en Allemagne, ce travail de conciliation, s’efTorçant de dégager de chaque système la part de vérité qu’il contient, implique la coexistence de qualités, non seulement ra- res, mais qui même semblent s’exclure. En outre, cet état d’équilibre mental parfait a gé- néralement pour rançon l’absence de vues personnelles et originales.

Roscher lui-même n’a pas été un écono- miste créateur. Grand historien des institu- tions, des mœurs, des théories et des doc- trines, son œuvre constitue l’historiographie complète de la jurisprudence économique universelle. Son Histoire de l’Économie poli- tique en Allcmaijne est un monument que la France et l’Angleterre doivent envier à l’Allemagne  ; accoucheur d’idées, comme Socrate, il arrive parfois à Roscher d’accou- cher l’un ou l’autre de ses obscurs de- vanciers d’idées que celui-ci n’avait fait qu’entrevoir confusément et de revêtir un


avorton informe de dehors qui ne sont pas tout à fait les siens  : son indulgence native .-"étendait jusqu’aux morts. Son Système d’Économie des Nations {System der Yolksioirth- schaft) comprend quatre parties  : 1° les Principes {(Trundlagen), traduits en français par Wolowski sous le titre de Principes d’Éco- nomie politique, qui ont eu vingt éditions en Allemagne entre 18.’i4 et 1802  ; 2" la yational- oekonomik des Ackerbaues und der verwandlcn Urproduktionszwcige (12 éditions de 1839 à 1890) traduite en français par M. Charles Vogel sous le titre de Traité d’Économie poli- tique rurale (1888)  ; 3° la Nationaladionomik des Handels und Gewerhefleisses {Économie com- merciale et industrielle), six éditions de 1881 à 1890, et 4° son System der Finanzvnssen- schaft, trois éditions de 1886 à 1889. Son sys- tème de V Armenpolitik (Assistance publique) a paru depuis sa mort.

Tous ces ouvrages se distinguent par d’éminentes qualités  : un savoir encyclopé- dique, un style facile et élégant, une analyse pénétrante, une remarquable clarté d’expo- sition et, à défaut d’idées maîtresses origi- nales, une infinité de vues de détail justes et sensées  ; au milieu des actions et des réactions, qui s’entre-croisent, Roscher ne s’égare pas, mais reste constamment un moraliste très fin, chez qui l’indulgence tempère, mais n’obscurcit nullement la perspicacité. Nous avons déjà cité ses His- toires Naturelles du Césarisme et de la Démo- cratie  ; dès 1848, il s’était aussi occupé des problèmes de la colonisation dans son ouvrage intitulé Kolonicn, Kolonialpolitik und Ausioanderung (Les Colonies, la Politique co- loniale et l’Emigration) dont la troisième édi- tion aparu en 1884,augmentéeparM.Jannasch d’une partie écrite au point de vue spécial de l’Allemagne. Roscher est l’auteur du reste de l’ouvrage, comprenant une histoire naturelle des colonies {Naturlehre der Kolonicn) et le tableau de la politique coloniale des nations modernes, en particulier celui de l’espagnole et de l’anglaise considérées comme les deux pôles de toute politique coloniale possible. Partisan d’une politique de colonisation, Roscher invoque dans sa préface l’opinion de List  : cette politique a les effets d’une saison de bains de mer « où les nations se débarrassent de leur crasse bourgeoise {Phi- listerutirath) et apprennent à voir de loin ». En terminant, il rappelle la prédiction de M. Paul Lcroy-Beaulieu promettant le pre- mier rang au peuple qui colonisera le plus.

L’activité littéraire de Roscher a été si fé- conde qu’il est impossible de reproduire ici la nomenclature complète de ses travaux. Elle n’occupe pas moins de deux colonnes


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