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RURALES (CLASSES)


et nous avons cité l’exemple de l’Islande à l’époque de sa colonisation. Mais au com- mencement, elles consistent principalement en fermes ordinaires. Le monastère de Prïim en Allemagne en possède « depuis le Neckar etlaLabn jusqu’en Hollande etjusqu’à Rouen et Angers en France »  ; celui de Fulda en possède, sous Charlemagne, 15 000  ; celui de Tegernsee, près de 12 000  ; celui de Saint-Gall, près de 4000. Les monastères de Fontenay, de Saint-Wandrille, de Saint-Germain-des- Prés ont aussi d’énormes possessions. La plus grande quantité de ces fermes sont éta- blies sur les terres incultes des montagnes, que l’on a données à ces monastères, afin qu’ils y établissent des cultivateurs. Il faut y joindre de nombreuses fermes, que leurs propriétaires ont volontairement soumises à l’Église. Les domaines des rois sont orga- nisés par groupes, mais consistent aussi presque tous principalement en fermes ordi- naires. Il y a des grandes fermes sur les pos- sessions royales et ecclésiastiques, mais en nombre relativement petit.

De même, lorsque se développe la noblesse du moyen âge, principalement pour fournir les cavaliers pour la guerre, ses propriétés, pendant longtemps, consistent surtout en fermes paysannes ordinaires. Sous Charle- magne, alors que les guerres exigent déjà une longue absence, seuls ceux qui possèdent de trois à cinq fermes doivent le service  ; mais pour servir comme cavalier, douze fermes sont nécessaires. Ce même nombre est encore obligatoire sous Edouard I" en Angleterre. En Danemark, où la noblesse n’a son origine dans aucune conquête, et a été constituée seu- lement par les guerriers du roi, ces mêmes // us- karle qu’on connaît dans la période de Kanut le Grand et de Harold en Angleterre, sorte de fédérations guerrières, ces guerriers qui sont payés par l’exemption des taxes pour leurs terres, ne jouissent de ce privilège que pour quatre fermes ou charrues.

Les auteurs allemands nous expliquent comment un grand nombre des grandes propriétés ont tiré leur origine des fermes possédées par les rois, l’Église ou les grands chefs, les Saîhôfe (de sa/a, salle), les Frohnhôfe (de frono, dominicus) à qui les paysans ren- daient les services dus au maître [Prohnden, corvées), Meierhofe (de majordomus dont dé- rive le nom si fréquemment répandu àeMeier, employé pour désigner une fonction et comme nom propre  ; Afeieracomme équivalent Vogt, qui est dérivé de adiocatus, vocet, voget, le représentant du maître). Souvent, ces Meieren ou Vôgte reçoivent les propriétés en fermage ou achètent même les droits privés et publics des princes, ceux de l’Église ou


de grands chefs laïques, et un grand nombre àeRittergilter ou fermes nobles ont cette ori- gine. Dans l’Allemagne du Xord-Ouest, le nom de Mcier est resté pour désigner les paysans parmi lesquels les grandes fermes ont été plus tard partagées et signifie simple- ment le possesseur d’une ferme paysanne. Dans les pays colonisés, surtout sur le sol slave, l’entrepreneur, qui établit la colonie, obtient souvent pour lui-même de deux à quatre fermes dans le village ou la colonie. C’est souvent lui qui devient Schuhe, maire ou bailli, souvent héréditaire, Erbschidze. Il y a là souvent une origine de propriétés no- bles, Rittergiiter, cei homme fournissant aussi le service militaire à cheval. D’autre part, beaucoup des fermes qui ont été cultivées pour le compte des nobles, de l’Église ou des princes, firent retour aux mains des paysans  ; on trouvait plus de profit à recevoir des rede- vances en argent. Les grands propriétaires vont même souvent vivre dans les villes, notamment dans le midi de la France, en Espagne, en Italie, et cela, dans les commen- cements de la période féodale. Ce mouvement se généralise surtout à l’époque des croi- sades.

Il y a une très grande différence, non seu- lement entre les pays anciennement teuto- niques et ceux oîi il y a eu des latifundia romains, mais aussi entre ceux-là et les pays conquis sur les Slaves. C’est surtout dans ces derniers que se sont développés les Ritter- giiter comme grandes fermes et avec des paysans entièrement dépendants. On donnait des fermes à ceux qui rendaient des ser- vices militaires (??n7!fes agrarii) ;de même, les paysans les plus importants acceptaient de servir sous les armes. Il y a, par suite, en- core aujourd’hui, la plus grande différence entre l’Allemagne occidentale et l’Allemagne orientale, de l’autre côté de l’Elbe. L’ancienne Allemagne est, de son côté, divisée en deux régions différentes, celle des grandes fermes séparées chez les anciens Westphaliens et Fri- sons dans le Nord et chez les anciens Bavarois du Sud, dans une partie de la Bavière et dans les pays autrichiens, et l’autre région, celle des anciens Thuringiens, Hessois, Ala- mans et Franks ripuaires, oii le sol est, en règle, très morcelé. On cherche souvent la raison de ces différences dans la législation française de la Révolution  ; nous sommes enclins à chercher cette raison, encore insuf- fisamment élucidée, plutôt dans l’ancienne différence entre le système des fermes sépa- rées et celui des villages. Les législations des divers territoires, sous le rapport du droit de disposer des fermes et d’en recueillir la succession, y ont contribué. Dans leurs grands


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