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BAKOU NI m :


Plan pratique pour l’assimilation de la mon- naie anglaise et de la monnaie américaine, tendant vers une monnaie universelle, 1809. Après sa mort, ont paru des recueils de ses articles, comprenant quelques études iné- dites  : La dépréciation de l’argent, 1877  ; Etudes littéraires, 1879 ; Études cconomiques, 1880, et, plus tard, Etudes biographiques, 1881  ; Essa’is de réforme parlementaire, 1883.

N.-C. F.

BAKOUNINE (Michel), né en 1814 à Tarjok, mort à Berne en 1876.

Issu d’une famille aristocratique, le célèbre révolutionnaire russe, au sortir de l’École d’artillerie de Saint-Pétersbourg, suivit la carrière des armes qu’il ne tarda guère à abandonner pour se livrer à l’étude de la philosophie et des questions sociales. A Mos- cou, il forma, avec quelques jeunes gens pris comme lui de passion pour la philosophie de Hegel (V. ce nom), un petit cénacle où l’on passait des nuits entières à discuter le sens et l’application des formules ardues du phi- losophe allemand. De ce cercle devaient sortir des révolutionnaires comme Herzen et Ogarew, des publicistes comme Katkow, des professeurs influents comme Granowsky, des critiques éminents comme Bielinsky.

En 1841, c’est à Berlin que nous trouvons Ba- kounine ; il y suit les cours des disciples directs de Hegel et va grossir les rangs de la gauche hégélienne. Un article publié sous le pseudo- nvme de Jules Elysard dans les Annules alle- mandes d’Arnold Ruge le classe bientôt parmi les chefs de ce petit groupe, à côté des Feuer- bach et des Baiier. Après un court séjour à Paris (1843), il se rend à Zurich et prend, dans cette ville, une part si active aux tra- vaux des associations révolutionnaires que- son gouvernement lui enjoint l’ordre de rentrer en Russie. 11 s’y refuse ; la punition ne pouvait se faire attendre  : ses biens sont conflsqués. En 1847, Bakounine revient à Paris ; il doit bientôt céder à un ordre d’ex- pulsion à la suite d’un violent discours dans lequel, s’adressant aux révolutionnaires po- lonais réfugiés en France, il les excite à s’unir aux révolutionnaires russes dans leur lutte contre le tsarisme. Dès lors, Bakounine parcourt l’Europe ; partout il va fomenter la révolution, en Allemagne, en Italie, en Bohème. Il prend part au congrès slave de Prague ; il organise l’insurrection à Dresde (1848). Pris les armes à la main, il est condamné à mort par le gouvernement de Berlin, livré à l’Autriche qui le réclame en invoquant le jus pr’imse executionis et con- damné une seconde fois à la peine capitale. C’est alors qu’intervient la Russie ; elle


demande et obtient l’extradition et le fou- gueux agitateur est exilé en Sibérie après avoir subi huit ans de détention dans la for- teresse de Petropawlosk. En 1801, il parvient à s’évader et va, à Londres, collaborer à la Cloche de Herzen iju’il transforma en un journal nettement révolutionnaire.

Pénétré des doctrines révolutionnaires, exalté par la lecture de Proudhon (V. ce nom), révolté par la vue des inégalités sociales, Ba- kounine désire voir changer la face du monde et il est résolu à aider, de tous ses efforts, à une transformation universelle qu’il juge nécessaire au bonheur de l’humanité. 11 cher- che en vain à profiter du soulèvement de la Pologne (1863) pour créer une agitation en Lilhuanie ; deux ans plus tard, il se rend en Italie et y propage ses idées avec une activité incroyable.

En 1868, il se fait admettre dans l’Associa- tion internationale des travailleurs (V. Marx et Socialisme). Il y apporta toute sa fougue mais aussi tout son esprit indiscipliné. Au congrès de la Paix et de la Liberté (Berne 1869), il propose à l’assemblée de voter des résolu- tions pui^ement communistes ; rais en mino- rité, furieux de son échec, il devient l’un des adversaii’es les plus i^ésolus de Marx. Le théoricien du collectivisme n’eut pas, dès lors, d’ennemi plus implacable et plus acharné.

Pour Bakounine le socialisme n’est qu’une demi-mesure  ; ce n’est qu’au moyen d’une « révolution universelle, à la fois sociale, philosophique, économique etpolitique » que l’on peut atteindre au bonheur des hommes. Pour réaliser son rêve de « pandestruction », obéissant à sa passion d’agir et d’organiser, il crée, dans le sein même de l’Internatio- nale, r.i//ia/(ce tfe la Démocratie socialiste ’.

Bakounine demande que la terre soit la propriété collective de la Commune qui aura pour devoir de donner à chacun le strict né- cessaire, tout en laissant aussi, à chacun, le droit de gagner davantage par son propre travail. La nouvelle organisation sociale ne devra comprendre aucun pouvoir dirigeant, aucune entrave à la liberté individuelle.

Bakounine jugeant « criminels tous les raisonnements sur l’avenir » n’insiste d’ail- leurs pas sur cette réorganisation commu- nale. Ce qu’il veut, ce qu’il rêve, c’est une société dans laquelle aucune entrave ne sera apportée à la liberté des hommes. L’Etat, la famille, la propriété individuelle devront

i. Cette association était divisée en trois sections : l" les frùrus internationaux, véritables chefs du parti  ; 2° les frères nationaux désignés dans chaque pays par les frères internationaux, et chargés d’y préparer la révolution  ; 3° les simples adhérents.


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