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DAKOU.MNE


ili^ ;parailrc ; toutes Lli.<tincliuns ilo classes ilevront être abolies et l’égalito comphHe entre les sexes devra être proclaiiK-e. l’our arriver au but, tous les moyens sont bons  ; « la Hévolution sanctifie tout sans distinc- tion ». Hakounine et ses disciples prêchent alors, avec ardeur, la propagande par le fait et le terrorisme.

Ce ne sont ni quelques individus isolés, ni des sociétés secrètes qui pourront accom- plir cette œuvre de « pandestruction ». De telle révolutions « se préparent longtemps dans la profondeur de la conscience instinc- tive des masses populaires, puis elles éclatent, suscitées souvent par des causes futiles ». Que les révolutionnaires sachent inspirer au prolétariat la confiance de ses propres forces, qu’ils «aillentdans le peuple » réveiller chez las exploités la haine contre les exploiteurs, et la révolution éclatera d’elle-même, détruisant le vieux monde et l’antique civilisation.

Telles sont, résumées dans leurs grandes lignes, les théories de Bakounine. Ce sont, on le voit, celles de tous les anarchistes. Mais pour le révolutionnaire russe, il ne suffit pas d’exposer, plus ou moins docte- ment, des principes ; il faut agir, et c’est par cette intime alliance de l’action et de la théorie qu’il est profondément anarchiste. Aussi le voyons-nous organiser à Lyon (28 septembre I870j une insurrection dont l’échec fut d’ailleurs complet. Les partisans français n’en suivirent pas moins, à Paris même, lors de la révolution du 18 mars, les conseils qu’il leur donnait dans ses Lettres à un Français (1870). Cette propa- gande ne se limitait pas à la France. Plus active encore en Espagne, elle allait aboutir aux troubles de Séville, Barcelone, Cadix et Carthagène. En Russie (V. nihilisme) Ba- kounine, secondé par Netchaiew dont le gou- vernement parvint à s’emparer, tentait de créer un parti purement anarchiste, et se séparait des disciples du socialiste Lawrow. L’influence de Bakounine s’exerça surtout sur la jeunesse russe étudiant eu Suisse. Les étudiants russes se rendaient à Zurich en si grand nombre, que l’Ukase impérial de 1873 leur enjoignit de quitter cette ville i devenue un foyer pestilentiel de doctrines malsaines ».

Ceux d’entre eux qui retournèrent dans leur patrie obéirent au mol d’ordre qui leur avait été donné par Bakounine : « aller dans le peuple >’. La plupart d’entre eux allè- rent ainsi prêcher la révolution sociale, et poussèrent de tous leurs efforts à l’émeute [\. Nihilisme, § 4). Toutes ces menées anarchistes eurent pour

SIPPLÉMENT.


résultat d’aliéner plus que Jamais à Bakou- nine le parti des socialistes. .N’aimant à courber la tête devant personne, détestant jjrofondément Karl Marx, adversaire de la doctrine collectiviste, il avait introduit la division et la discorde dans l’Internationale. Il l’atraiblitplus encore, en fondant, avec les membres de la section de la Suisse romande, la Fédération jurassienne (12 novembre 1871). L’organe du parti, la Solidarité, publia contre Marx et ses disciples les attaques les plus venimeuses. Dès lors, on ne saurait -’étonner de voir l’Internationale prononcer, au congrès de la Haye (1872 ; l’exclusion de Bakounine et des anarchistes. Cette lutte avait porté le dernier coup à l’Association des travailleurs. En vain publia-t-elle des brochures pour faire croire que son existence n’était pas mise en péril ; en vain, pour avoir plus de liberté d’action, transporta-t-elle à New- York le siège de son conseil gé- néral ; en 1876 elle disparut.

Fatigué de la lutte, Bakounine se retira à Lugano, au moment même où il était le plus vivement pris à partie par l’Interna- tionale. Ses amis stupéfaits apprirent sa résolution par une lettre de lui, insérée dans le Journal de Genève. Il avait alors cinquante- neuf ans ; sa santé déclinait, et, en 1870, il mourait à Berne. Seuls ses plus intimes confidents pourraient dire s’il participa, comme on l’a prétendu,! une tentative d’in- surrection qui eut lieu à Bologne, peu de temps avant sa mort.

Jamais homme n’a plus mérité que Bakou- nine le nom d’agitateur révolutionnaire. Nous l’avons vu soulever les masses populaires dans tous les pays où il avait été, s’y créer un groupe important de partisans. Cette in- fluence ne doit pas être attribuée uniquement à l’écrivain, mais surtout à l’orateur et à l’homme d’action qui étaient en lui.

Son œuvre ne se compose guère que de discours, d’articles de journaux et de revue, et de quelques brochures. Ce sont surtout des œuvres de propagande, faites pour les besoins de la cause. L’on peut citer de lui  : ÏÊtat et rAnarchie, l’Histoire de l’internado- nale, VEmpire Knouto-jermanique et la Réiotu- tion sociale, la Théologie politique de Mazzini et l’Internationale, les Principes de la Révolu- tion, Dieu et l’Etat. Dans ce dernier ouvrage, inachevé, Bakounine veut démontrer que les religions ont retardé les progrès de la pensée humaine. Pour lui, l’idée de Dieu est « la négation la plus décisive de la liberté humaine et aboutit à l’esclavage, tant en théorie, qu’en pratique ». Il exprime combien sa foi est grande en la solidarité  : « Le seul moyen de la rendre bienfaisante est de faire

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BANDINI