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Page:Saynètes et Monologues, sér. 3, 1884.djvu/190

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DAMES DE COMPTOIR

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Je ne veux pas parler des daines de comptoir, couvertes de bijoux et habituées aux madrigaux des clients ; non ! mais de celles à qui personne ne fait attention, de ces tristes dames de comptoir des restaurants à vingt-neuf sous et des crémeries 1

Elles se tiennent au milieu de pots de fleurs étiolées, de carafons écornés, de troncs en métal anglais, chagrines, guindées. Elles sont préposées à la distribution des mendiants et des pruneaux. Le consommateur ne les perd pas de rœil quand, de leurs doigts maigres et bleus de veines jusqu’aux ongles , elles agencent parcimonieusement sur une soucoupe quelques débris de raisins secs, avec des noisettes, des amandes et autres pauvres friandises éventées, auxquelles elles cherchent à donner un air de dessert. Elles sont sans cesse écœurées par les odeurs fades des potages et des chocolats. Là-dedans les fleurs semblent exhaler un parfum analogue à celui de la pomme sautée. L’été, la sueur imbibe et amollit leur col et leurs manchettes de papier ; Thiver, quelles mornes heures pour elles, quand leur chaufferette est éteinte et quand un seul bec de gaz éclaire le fond de la boutique I Elles voient passer toute