Page:Sayous - Jésus-Christ d’après Mahomet.djvu/63

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rendit superficiel. Pour que l’on croie à la Rédemption, il faut que l’on voie l’âme humaine dans sa misère et dans son péril. C’est ce que Mahomet n’a jamais vu, c’est ce dont il ne semble pas avoir jamais eu l’idée. Nous ne parlons pas de son fatalisme : sur ce point il a été calomnié, ce n’est pas lui qui a été fataliste, ce sont ses disciples ultérieurs poussant à l’extrême l’exégèse de quelques-unes de ses paroles, et négligeant les contre-poids.[1] Certes l’homme qui a dit : « S’il t’arrive quelque bien, il t’arrive de Dieu ; le mal vient de toi »[2], n’était pas un fataliste, un déterministe. Là n’est pas la vraie lacune de Mahomet.[3] Il n’a pas vu la misère de l’homme ; il a bien vu, comme ne peut manquer de le voir le plus médiocre observateur, qu’il y a chez les hommes une tendance générale à mal faire, il n’a pas vu la maladie centrale du cœur de l’homme, il n’a vu qu’une série de transgressions isolées et distinctes que pouvait empêcher l’obéissance à des commandements détaillés. Encore une tendance judaïque où se décèle l’influence d’un mentor judéo-chrétien. Aussi le Coran, venu pourtant bien après l’Évangile, n’a-t-il pas été un Évangile, mais une sorte de lévitique confus ou un code d’ordonnances rabbiniques.

  1. Ce sont surtout les Turcs, qui de leurs lourdes mains ont gâté à tant d’égards l’œuvre de la main nerveuse et fine des Arabes : voir le catéchisme Turc d’El-Berkewi, qui enseigne dans son ch. VI que Dieu prévoit, veut et opère l’infidélité, l’irréligion et tout ce qui est mal. (Trad. par M. Garcin de Tassy dans son volume intitulé L’Islamisme d’après le Coran, l’enseignement doctrinal et la pratique, Paris 1874.)
  2. S. IV, v. 81.
  3. Sur ces questions anthropologiques particulièrement on peut consulter l’intéressante thèse de M. Jules Reymond, l’Islam et son Prophète, Lausanne 1876.