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D’UN PAPILLON

Messieurs les Rédacteurs,


Si j’avais dû vous parler de moi, je n’aurais point entrepris de vous écrire, car je ne crois pas qu’il soit possible de raconter sa propre histoire avec convenance et impartialité. Les détails qui vont suivre ne me sont donc point personnels. Il vous suffira de savoir que si je ne suis pas la dernière à vous donner de mes nouvelles, c’est que malheureusement les soins de ma famille ne sauraient m’absorber.

Je suis seule au monde, messieurs, et ne connaîtrai jamais le bonheur d’être mère : je suis de la grande famille des Hyménoptères neutres. Mais le cœur s’accommode mal de l’isolement ; vous ne vous étonnerez donc point que je me sois vouée à l’enseignement. Un Papillon de haut parage, qui vivait tout près de Paris, dans les bois de Bellevue, et qui m’avait sauvé la vie, se sentant mourir, me supplia de vouloir bien être la gouvernante de son enfant qu’il ne devait pas voir, et dont la naissance approchait.

Après quelques hésitations bien légitimes sans doute, je pensai que si je me devais aux Hyménoptères mes frères, la reconnaissance me faisait pourtant un devoir impérieux d’accepter ce difficile emploi. Je promis donc à mon bienfaiteur de consacrer ma vie à l’œuf qu’il me confiait et qu’il avait déposé dans le calice d’une fleur.