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LES AVENTURES

L’enfant vit le jour le lendemain de la mort de son père ; un rayon de soleil le fit éclore.

J’eus le chagrin de le voir débuter dans la vie par un acte d’ingratitude. Il quitta la Campanule, sa mère d’adoption, qui lui avait prêté l’abri de son cœur, sans songer seulement à dire un dernier adieu à la pauvre fleur, qui se courba jusqu’à terre en signe d’affliction.

Sa première éducation fut difficile : il était capricieux comme le vent, et d’une légèreté inouïe. Mais les caractères légers n’ont pas la conscience du mal qu’ils font : de là vient qu’on arrive souvent à les aimer. J’eus donc le bonheur, ou le malheur plutôt de me prendre d’affection pour ce pauvre enfant, quoiqu’il eût, à vrai dire, tous les défauts d’une petite Chenille. Ce mot, tout vulgaire qu’il soit, peut seul rendre ma pensée.

Je lui répétai mille fois, et toujours en vain, les mêmes leçons, je lui prédis mille fois les mêmes malheurs ; plus incrédule que l’Homme lui-même, l’étourdi ne tenait aucun compte des prédictions. M’arrivait-il, le croyant endormi sous un brin d’herbe, de le quitter un instant, si courte qu’eût été mon absence, je ne le retrouvais plus à la même place ; je me rappelle qu’un jour, et à cette époque ses seize pattes le portaient à peine, une visite que j’avais dû faire à des Abeilles de mon voisinage s’étant prolongée, il avait trouvé le moyen de grimper jusqu’à la cime d’un arbre, au péril de sa vie.

À peine au sortir de l’enfance, sa vivacité le quitta tout