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D’UN MOINEAU DE PARIS.

de l’activité générale, j’aperçus des Fourmis ailées au milieu de ce peuple noir sans ailes.

— Quelle est cette Fourmi qui se goberge et s’amuse pendant que vous travaillez ? dis-je à une Fourmi qui restait en sentinelle.

— Oh ! me répondit-elle, c’est une noble Fourmi. Vous en compterez cinq cents ainsi, les Patriciennes de l’Empire Formique.

— Qu’est-ce qu’une Patricienne ? dis-je.

— Oh ! me répondit-elle, c’est notre gloire, à nous autres ! Une Fourmi Patricienne, comme vous le voyez, a quatre ailes, elle s’amuse, jouit de la vie et fait des enfants. À elle les amours, à nous le travail. Cette division est une des grandes sagesses de notre admirable constitution : on ne peut pas s’amuser et travailler tout ensemble chez nous, les Neutres font l’ouvrage, et les Patriciennes s’amusent !

— Mais est-ce une récompense du travail ? Pouvez-vous devenir Patricienne ?

— Ah ! bien, oui ! Non, dit la Fourmi Neutre. Les Patriciennes naissent Patriciennes. Sans cela, où serait le miracle ? il n’y aurait plus rien d’extraordinaire. Mais elles ont aussi leurs obligations, elles veillent à la sécurité de nos travaux, et préparent nos conquêtes.

La Fourmi Patricienne se dirigea de notre côté : toutes les Fourmis se dérangèrent et lui témoignèrent des respects infinis. J’appris qu’aucune des Fourmis ordinaires, dites Neutres, n’oserait disputer le pas à une Patricienne,