Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
237
D’UN MOINEAU DE PARIS.

cinq cents Fourmis privilégiées maintenaient cet état de choses. Au moment où j’allais aborder la Patricienne, elle monta sur une des fortifications de la cité, où se trouvaient quelques autres de son espèce et où elle leur dit des mots en langue formique : aussitôt les Patriciennes se répandirent dans la fourmilière. Je vis partir des détachements commandés par des Patriciennes. Des Neutres s’embarquèrent sur des pailles, sur des feuilles, sur des bâtons. J’appris qu’il s’agissait d’aller porter secours à quelques Neutres attaquées à deux mille pieds de là. Pendant cette expédition, j’entendis la conversation suivante entre deux vieilles Patriciennes.

— Votre Seigneurie n’est-elle pas effrayée de la grande quantité de peuple qui va mourir de faim, nous ne saurions le nourrir…

— Votre Grâce ne sait donc pas que de l’autre côté de l’eau il y a une fourmilière bien garnie, et que nous allons l’attaquer, en chasser les habitants, et y mettre notre trop plein.

Cette injuste agression était autorisée par le principe fondamental du gouvernement Formique dont la Charte a pour premier article : Ôte-toi de là, que je m’y mette. Le second article porte en substance que ce qui convient à l’Empire Formique appartient à l’Empire Formique, et que quiconque s’oppose à ce que les sujets Formiques s’en emparent devient l’ennemi du gouvernement Formique. Je n’osai pas dire que les voleurs n’avaient pas d’autres