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D’UN MOINEAU DE PARIS.

— Que faites-vous là ? lui dis-je pour renouer la conversation.

— Eh ! me dit-il, nous attendons des propriétaires qui sont en visite dans un château voisin, et nous allons, quand ils en sortiront, probablement manger des Chevaux esclaves, de vils cochers, des valets et deux propriétaires russes.

— Ce sera drôle, lui dis-je.

Ne croyez pas, Animaux, que j’ai voulu bassement flatter ce sauvage républicain qui pouvait ne pas aimer la contradiction : je disais là ma pensée. J’avais entendu tant maudire à Paris, dans les greniers, et partout, l’abominable variété d’hommes appelés les propriétaires, que, sans les connaître le moins du monde, je les haïssais beaucoup.

— Vous ne leur mangerez pas le cœur, repris-je en badinant.

— Pourquoi ? me dit le citoyen Loup.

— J’ai ouï dire qu’ils n’en avaient point.

— Quel malheur ! s’écria le Loup ; c’est une perte pour nous, mais ce ne sera pas la seule.

— Comment ! fis-je.

— Hélas ! me dit le citoyen Loup, beaucoup des nôtres périront à l’attaque ; mais la patrie avant tout ! Il n’y a que six Hommes, quatre Chevaux et quelques effets potables, ce ne sera pas assez pour notre section des Droits