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VOYAGE

leurs lois. La liberté rend esclave du devoir, les Fourmis sont esclaves de leurs mœurs, et les Abeilles de leur reine. Ma foi ! s’il faut être esclave de quelque chose, il vaut mieux n’obéir qu’à la raison publique, et je suis pour les Loups. Évidemment, Lycurgue avait étudié leurs mœurs, comme son nom l’indique. L’union fait la force, là est la grande charte des Loups, qui peuvent, seuls entre les Animaux, attaquer et dévorer les Hommes, les Lions, et qui règnent par leur admirable égalité. Maintenant, je comprends la Louve mère de Rome !

Après avoir profondément médité sur ces questions, je me promis, en revenant, de les dégosiller à mon grand écrivain. Je me promettais aussi de lui adresser quelques questions sur toutes ces choses. Avouons-le à ma honte ou à ma gloire ! à mesure que je me rapprochais de Paris, l’admiration que m’avait inspirée cette race sauvage de héros lupiens se dissipait en présence des mœurs sociales, en pensant aux merveilles de l’esprit cultivé, en me souvenant des grandeurs où conduit cette tendance idéaliste qui distingue le Moineau français. La fière république des Loups ne me satisfaisait plus entièrement. N’est-ce pas, après tout, une triste condition, que de vivre uniquement de rapines ? Si l’égalité entre Loups est une des plus sublimes conquêtes de l’esprit animal, la guerre du Loup à l’Homme, à l’Oiseau de proie, au Cheval et à l’Esclave, n’en reste pas moins en principe une abominable violation du droit des Bêtes.