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PRIS AU PIÉGE.

— Je vous remercie, me dit-il ; mon chagrin est du nombre de ceux qui doivent rester sans soulagement ; car il n’est au pouvoir de personne de faire qu’elle m’aime, et qu’elle n’en aime pas un autre.

— Cocotte ? dis-je doucement.

— Cocotte, reprit-il avec un soupir.

Le plus grand service qu’on puisse rendre à un amoureux, quand on ne peut pas lui ôter son amour, c’est de l’écouter parler. Il n’y a rien de plus heureux qu’un amant malheureux qui conte ses peines. Pénétré de ces vérités, je lui demandai sa confiance, et je l’obtins sans difficulté.

La confiance est la première manie de l’amour.

— Monsieur, me dit cet intéressant quadrupède, puisque vous êtes assez bon pour désirer que je vous raconte quelques-uns des incidents de la triste vie que je mène, il faut nécessairement que je reprenne les choses d’un peu haut ; car mon malheur date presque de ma naissance.

Je dois le jour au plus habile d’entre les Renards, et je ne lui dois que cela, aucune de ses brillantes qualités n’ayant pu prospérer en moi. L’air que je respirais, tout imprégné de malice et d’hypocrisie, me pesait et me révoltait. Aussitôt que je me trouvai livré à mes inclinations, je cherchai la société des Animaux qui étaient le plus antipathiques à ceux de ma race. Il me semblait me venger ainsi des Renards, que je détestais, et de la nature, qui m’avait inspiré des goûts si peu en harmonie avec ceux de mes frères. Un gros Dogue, avec lequel je m’étais