Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/493

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
311
D’UNE VIELLE CORNEILLE.

vait être bon et semblait, en tout cas, facile à suivre ; — mais ma conscience l’emporta. « On ne fait pas ce qu’on veut, on fait ce qu’on peut et ce qu’on doit surtout, répondis-je ; je suis une Corneille d’honneur, je ferai de mon mieux. Si vous n’avez à me donner que des conseils comme ceux-là, je serai heureuse qu’il vous plaise de les garder pour vous.

— Soit, je me tais, me dit en s’inclinant profondément mon interlocuteur un peu piqué. »

Je lui rendis sa révérence, et je repris la plume.




On le sait, je suis une vieille Corneille. Si vieille que je sois, et je le suis assez pour ne plus songer à cacher mon âge, je me souviens d’avoir été jeune, oui jeune, quoi qu’en disent quelques Étourneaux mes voisins, aussi jeune qu’eux assurément, mais moins étourdie peut-être et moins oublieuse de ce qu’on doit de respect à la vieillesse qu’on honorerait davantage si l’on songeait un peu qu’être vieux, c’est être en train de mourir ; la mort arrive à la fin de la vieillesse pour la relever et l’ennoblir.

J’ai donc été jeune ; jeune, heureuse et mariée. Jeunesse et bonheur, je perdis tout le même jour, il y a cinquante ans, en perdant un mari adoré.

Jour affreux ! que je n’oublierai de ma vie. Le vent soufflait avec violence dans les dentelles du vieux clocher. Le tonnerre roulait avec fureur sous le ciel obscur. La