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Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/494

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SOUVENIRS

sombre cathédrale tremblait sur ses fondements comme si elle eût été animée par l’épouvante. La pluie froide tombait par torrents, et, pour la première fois, menaçait de gagner notre nid, si bien caché qu’il fût dans un des plis du manteau de Notre-Dame de Strasbourg. — Je vais mourir, me dit d’une voix affaiblie, mais résolue pourtant, l’époux que je pleure, je vais mourir ! adieu ! Si ces pauvres petits pouvaient se passer de toi, je te dirais de mourir avec moi, et nous nous en irions ensemble là-haut, plus haut que le soleil ! La mort n’est rien pour celui qui compte sur l’éternité ; mais il faut vivre quand on peut être bon à quelque chose sur la terre. Vis donc, et prends courage. Garde de moi un bon souvenir. Pauvres petits ! ajouta-t-il, cela te fera plaisir de voir pousser leurs plumes.

Ce fut son dernier mot. — J’étais veuve ! On ne voit jamais le bout du malheur, le mien pouvait grandir encore. Huit jours après je n’avais plus d’enfants : ma nichée tout entière périssait sous mes yeux.


Ce qu’il y a d’affreux dans ces maux sans remède, c’est qu’on n’en meurt pas, et qu’on s’en console.


Je faillis devenir folle. On craignit pour mes jours. Mais on m’entoura, mais on m’obséda, et j’eus la lâcheté de consentir à vivre.