ter une vieille Carpe qui passait, dans le pays, pour savoir le passé, le présent, l’avenir, et beaucoup d’autres choses encore. — Ce qui fait le succès des devins et des diseurs de bonne aventure, c’est qu’il y a beaucoup de malheureux. Il faut être désespéré pour demander un miracle. La sorcière avait la réputation d’être capricieuse. « Voudra-t-elle me répondre ? » se dit-il ; et il s’avança, non sans un trouble involontaire, vers une partie de la rivière très-éloignée des deux châteaux, où la vieille Carpe se livrait à ses sorcelleries.
Une Carpe magicienne.
— Puissante Carpe, dit-il, d’une voix mêlée de respect et de crainte, ô toi qui sais tout, fais-moi connaître mon sort. Mon épouse bien-aimée a disparu : est-elle morte, ou est-elle infidèle ?
Pour une magicienne, la vieille Carpe ne se fit pas trop prier ; et sa grosse tête bombée ne tarda pas à se montrer. Elle remua trois fois ses lèvres épaisses avec beaucoup de majesté, prit lentement trois aspirations d’air en regardant du côté de la source du fleuve, puis :
— Attends, lui dit-elle.
Et, ayant tourné trois fois sur elle-même, elle sortit de l’eau à mi-corps, et se mit à chanter, d’une voix étrange, les paroles que voici :