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D’UN LIÈVRE.

— Tais-toi, lui répondit son frère, puisque c’était un Oiseau, c’était pas un Homme. Tais-toi, tu serais obligé de crier pour que papa t’entende ; ça ferait du bruit, et nous aurions tous peur.

— Silence ! s’écria le vieillard qui s’aperçut qu’on ne l’écoutait plus. Où en étais-je me demanda-t-il.

— Votre mère était morte, lui dis-je, en vous criant : Sauve-toi bien vite.

— Pauvre mère ! reprit-il, elle avait bien raison : sa mort n’avait été qu’un prélude. C’était grande chasse royale. Toute la journée ce fut un carnage horrible : la terre était couverte de cadavres, on voyait du sang partout, sur les taillis dont les jeunes pousses tombaient coupées par le plomb, sur les fleurs elles-mêmes que les Hommes n’épargnaient pas plus que nous, et qui périssaient écrasées sous leurs pieds. Cinq cents des nôtres succombèrent dans cette abominable journée ! Comprend-on ces monstres qui croient n’avoir rien de mieux à faire que d’ensanglanter les campagnes, qui appellent cela s’amuser, et pour lesquels la chasse, l’assassinat, n’est qu’un délassement !

Du reste, ma mère fut bien vengée. Cette chasse fut la dernière des chasses royales, m’a-t-on dit. Celui qui la fit repassa bien une fois encore par Rambouillet, mais cette fois-là il ne chassait pas.