Ou ton bras punissant une vie ennemie,
Aurait-il pu déjà venger notre infamie ? [830]
Venger notre infamie !
Oui, mon fils, la venger,
Au prix de notre mal, c'est un fardeau léger.
Venge-moi, venge-toi.
Ne sachant pas l'offense.
Tu la sauras trop tôt, courons à la vengeance :
C'est par ce seul moyen, que notre honneur perdu [835]
Ou le sera sans honte, ou nous sera rendu.
Mais mon fils, sans rougir, te puis-je rendre compte ;
Du commun déplaisir qui nous couvre de honte.
Épargne-moi, mon fils, la honte et le regret
De révéler moi-même un si fâcheux secret. [840]
Dispense-moi, mon fils, d'un récit si funeste,
Va-t'en trouver ta soeur, apprends d'elle le reste :
Mais si tu m'aimes bien, parle-lui doucement,
Parle-lui de pardon, plus que de châtiment :
En apprenant son mal apprends-lui son remède : [845]
Car en fin dans mon coeur, mon sang pour elle plaide,
Et souviens-toi, qu'elle est, et ma fille, et ta soeur.
Je sers mon ennemi contre mon propre honneur.
Ô Dieu ! Que de malheurs sur moi le Ciel assemble.
Dom Pedre, faisons mieux allons la voir ensemble, [850]
Et flattant sa douleur, tâchons de lui montrer.
Non mon Père attendez, vous n'y pouvez entrer.
Moi je n‘y puis entrer !