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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/134

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Ou ton bras punissant une vie ennemie,

Aurait-il pu déjà venger notre infamie ? [830]

Dom Pedre

Venger notre infamie !

Dom Félix

Oui, mon fils, la venger,

Au prix de notre mal, c'est un fardeau léger.

Venge-moi, venge-toi.

Dom Pedre

Ne sachant pas l'offense.

Dom Félix

Tu la sauras trop tôt, courons à la vengeance :

C'est par ce seul moyen, que notre honneur perdu [835]

Ou le sera sans honte, ou nous sera rendu.

Mais mon fils, sans rougir, te puis-je rendre compte ;

Du commun déplaisir qui nous couvre de honte.

Épargne-moi, mon fils, la honte et le regret

De révéler moi-même un si fâcheux secret. [840]

Dispense-moi, mon fils, d'un récit si funeste,

Va-t'en trouver ta soeur, apprends d'elle le reste :

Mais si tu m'aimes bien, parle-lui doucement,

Parle-lui de pardon, plus que de châtiment :

En apprenant son mal apprends-lui son remède : [845]

Car en fin dans mon coeur, mon sang pour elle plaide,

Et souviens-toi, qu'elle est, et ma fille, et ta soeur.

Dom Pedre

Je sers mon ennemi contre mon propre honneur.

Ô Dieu ! Que de malheurs sur moi le Ciel assemble.

Dom Félix

Dom Pedre, faisons mieux allons la voir ensemble, [850]

Et flattant sa douleur, tâchons de lui montrer.

Dom Pedre

Non mon Père attendez, vous n'y pouvez entrer.

Dom Félix

Moi je n‘y puis entrer !

Dom Pedre