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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/137

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De sa rare valeur à ma perte animée,

Par le sang répandu d'une personne aimée : [890]

Il a pu se servir de valets contre moi,

Et vous étiez sans fils, s'il eut été sans foi.

Dom Félix

Préfère une parole à la hâte donnée,

À ta gloire flétrie, à ta soeur subornée.

Va, va, sauve la vie à ton conservateur ? [895]

Mais ne me nomme plus de la tienne l'auteur.

Oui, que je sois sans fils, qu'il nous tue, ou qu'il meure.

Le Comte

Écoute-moi Dom Pedre ; et toi vieillard, demeure.

Je sais donner la vie, et la défendre aussi,

Et mon bras seul encor peut me tirer d'ici : [900]

Mais du père et du fils, quand la fureur unie

Aurait versé mon sang, et ma trame finie,

Indignes ennemis, pouvez-vous empêcher,

Qu'on ne vous puisse un jour justement reprocher,

Qu'un fils peu généreux, sans moi serait sans vie, [905]

Qu'un Père, dont ma perte est la joie, et l'envie,

Sans moi se trouverait sans fils, et sans support,

Et que seul contre deux, j'ai disputé ma mort.

Pouvez-vous effacer une si noire tache ?

Pouvez-vous empêcher que l'Espagne ne sache. [910]

Que j'ai fait pour le fils, bien plus que je n'ai dû :

Enfin, qu'il me doit tout, et ne m'a rien rendu.

Venez après cela, venez, et fils, et père,

Venez d'un bienfaiteur, éprouver la colère.

Dom Félix

Oui seul, et sans mon fils, je m'expose à tes coups. [915]

Dom Pedre

Mon Père où vous transporte un aveugle courroux ?

Dom Félix

À me perdre, à te perdre, à poignarder ma fille.

Ô peste détestable a toute ta famille ;

Il faut que sur le champ un poignard dans son sein.

Dom Pedre

arrêtant son père.

Ah que sur moi plutôt ce tragique dessein [920]

Se commence et s'achève.

Dom Félix