Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/14

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Louize.

Au moins m’avouerez-vous que l’on y vient que tard,
Et qu’on n’y laisse point son carrosse à l’écart.

Stefanie.

Tais-toi. Je te disois tout à l’heure, Louize,
Qu’à moins que d’un seigneur, je ne puis être éprise.
Je hais le petit noble à l’égal du bourgeois ;
L’écu seul à couronne est l’objet de mon choix :
Enfin, nul, quel qu’il soit, n’aura sur moi d’empire,
Si dans ses qualités il n’entre du Messire.

Louize.

Et dom Sanche, madame, est-il un grand seigneur,
À qui si franchement vous donnez votre cœur ?
Ma foi ! d’un grand seigneur, il n’a pas l’équipage,
Et son train jusqu’ici ne peche pas en page.

Stefanie.

Si tu voyois bien clair, tu connoîtrois qu’il est,
Quoique avec peu de train, autre qu’il ne paroît.

Louize.

Et sur quoi fondez-vous pareille conjecture ?

Stefanie.

Sur ce qu’il a l’air grand, et de fort bon augure ;
Sur ce qu’en l’approchant mon ame m’avertit
Qu’il est né grand seigneur, mais qu’il se travestit.
Je ne me suis jamais d’un seigneur approchée,
Que d’un instinct secret je n’aie été touchée :
Mais je me pique aussi d’être de mon côté,
Le véritable aimant des gens de qualité,
Titre, que je préfére au beau titre de reine.

Louize.

Vous êtes Portugaise ?

Stefanie.

Vous êtes Portugaise ?Il est vrai, je suis vaine.

Louize.

Mais par l’ordre du ciel à qui tout est sujet,
Si dom Sanche n’est pas un seigneur contrefait,