Scène VIII
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Oui mon fils, c'est fort bien m'obéir,
C'est croire les conseils d'un Père, c'est les suivre ;
Fils ingrat, fils poltron, fils indigne de vivre.
Tu venges donc ainsi ton honneur offensé ? [1285]
Et satisfait ainsi ton Père courroucé ?
Tu te souviens ainsi de ta soeur subornée ?
Et tu gardes ainsi ta parole donnée !
Toi qui la sais garder si rigoureusement,
Que tu fais moins d'état de moi que d'un serment. [1290]
Et ne m'avais-tu pas engagé ta parole,
De venger mon honneur sur celui qui le vole !
Et par ces mêmes bras dont tu l'as embrassé
Que je verrais son corps de mile coups percé ?
S'il avait eu des miens une pareille étreinte, [1295]
Encor que leur vigueur soit déjà presque éteinte,
Ils auraient déchiré son coeur en un instant.
Et si je t'embrassais, ils t'en feraient autant.
Peut-on bien sans pleurer, me voir pleurer infâme.
Vois, vois couler mes pleurs, c'est le sang de mon âme. [1300]
Au péril d'épuiser mon corps de tout le sien,
Je répandrai celui qui fait glacer le tien.
Mais laissons-là ce fils, qui faisait tant le brave,
Qui fait aux yeux d'un Père une action d'esclave.
Ce malheureux verra son vieil Père aujourd'hui [1305]
Vaincre, ou mourir plutôt, que vivre comme lui.
Tu te ris insolent de ma vaine menace ;
Mais mes ans ont encor du feu parmi leur glace :
L'insolence est souvent réduite à supplier.
Là-bas qui fait les grands peut les humilier. [1310]
Tiens-toi bien.
Vous avez un père fort colère.
Comte, n'en parlons point ; car enfin, c'est mon Père.