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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/181

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À votre seul abord, sans voir votre visage, [185]

Je vous accorderais encore d'avantage,

Approchez-vous, Madame, et ne redoutez rien.


Scène III

.

DOM JUAN

En vain vous vous cachez, je vous reconnais bien,

Pourquoi me fuyez-vous, ingrate Léonore ?

Ah ! C'est trop maltraiter celui qui vous adore, [190]

Et qui pourtant est prêt de se mettre à genoux

S'il a pu vous déplaire en courant après vous.

LÉONOR

Oui ! Seigneur Dom Juan, c'est moi, je le confesse ;

Quel plaisir prenez-vous à me fâcher sans cesse ?

Pensez-vous emporter par obstination : [195]

Ce qu'on ne peut gagner que par affection,

Mon humeur, dites-vous est une chose étrange,

Quand Dieu vous aurait fait aussi parfait qu'un Ange,

Quand il vous aurait fait un objet plein d'appas,

Avecque tout cela vous ne me plairiez pas ; [200]

De cette aversion, vous demandez la cause,

C'est vous seul qui pouvez en savoir quelque chose,

Puisque cette cause est, ainsi que je le crois,

Et selon l'apparence, en vous plutôt qu'en moi,

Pour donner de l'amour, le secret est de plaire, [205]

Vous ne me plaisez pas, que pensez-vous donc faire ?

Vous m'offrez votre coeur en échange du mien,

Pourquoi changer mon coeur, si je m'en trouve bien,

Et quand je voudrais bien le changer pour un autre,

Êtes-vous assuré que je prisse le vôtre ? [210]

Parce que vous m'aimez, vous dois-je aimer aussi.

Est-ce bien raisonner que de conclure ainsi ?

Vous m'aimez, dites-vous, car je suis bien aimable,

Si vous ne m'êtes pas en cela comparable,