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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/189

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Scène I

DOM DIÈGUE

Ha ! Je n'ai jamais vu d'homme plus obstiné

En son logis pourtant enfin je l'ai mené,

Il revenait toujours à la Dame inconnue,

Qu'il avait rencontrée au milieu de la rue, [380]

Et n'avait pas voulu lui montrer ses beaux yeux,

Qu'il appelait ses Rois, ses Soleils, et ses Dieux,

Il a fait cent serments qui ne sont pas vulgaires,

Il a pris le bon Dieu de toutes les manières,

Disant que la beauté, qui le méprise tant, [385]

Devait considérer un homme si constant.

Il m'a fait le récit de toutes ses prouesses,

Et le dénombrement de toutes ses Maîtresses.

Et cela pour monter, y joignant les combats

À cent contes pour rire, et tout cela fort bas, [390]

Quoique nous fussions seuls ; il m'a fait voir en prose

Deux discours sur l'État, du ton de Bellerose,

M'a récité des Vers, enfin il a tant fait,

Que de son sot esprit assez mal satisfait,

Et pour dire le vrai de sa personne entière, [395]

Je l'ai laissé pestant contre la Dame fière

Que je dois visiter pour lui dire qu'elle a

Grand tort de le traiter de cette façon-là,

Et de plus il m'a fait, bon gré, mal gré, promettre

De joindre à ma visite une efficace lettre, [400]

Pour rendre cet esprit de Tigre un peu plus doux.

ROSQUEPINE

Vous devriez bien plutôt, Monsieur, songer à vous,

Et sans vous tourmenter pour le repos d'un autre

Travailler tout de bon pour établir le vôtre,

Hélène de Torrès, vous mène par le bec, [405]

Met votre coeur en cendre, et votre bourse à sec,

Lorsque vous lui parlez de conclure l'affaire,

La matoise qu'elle est adroitement diffère,