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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/19

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Scène III.

DOM SANCHE, MERLIN.
Dom Sanche.

Cachons-nous.Tu dis donc que mon frére est venu ?

Merlin.

Oui, monsieur, craignant fort d’être un animal cornu,
Et que cette beauté qu’ici l’on lui destine,
Ne soit pour son repos trop aimable et trop fine.

D. Sanche.

Comment se porte-t-il ?

Merlin.

Comment se porte-t-il ? Ma foi, trop bien pour vous.
Au reste, avant l’hymen le Seigneur est jaloux.
Sa lettre qu’il m’a lue, et que je vous apporte,
Vous fera voir comment son marquisat se porte.
Il prétend se cacher quelque temps dans Madrid,
Faisant la guerre à l’œil, s’éclaircissant l’esprit
Du renom, et des mœurs de l’épouse promise,
Qui payera bien cher le titre de marquise.

D. Sanche.

La femme qu’il prendra, doit bien se préparer
À mal passer son temps et beaucoup endurer.
J’avois, comme tu vois aujourd’hui, pris la botte,
Pour aller au-devant de ce franc dom Quixotte.

Merlin.

Vous l’avez mieux nommé que vous n’avez pensé,
Il n’est pas dans le monde un homme moins sensé.
Vous ne croiriez jamais le chagrin et la peine,
Que je souffre à servir une tête mal-saine.

D. Sanche.

Que les péres ont tort de tenir leurs enfans,
Éloignés de la Cour, à se rouiller aux champs !