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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/199

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Je vienne ici chez vous, vous avertir qu'Hélène

Amuse votre amour d'une espérance vaine :

D'elle même je sais que son affection

Suit seulement l'espoir d'une succession, [610]

Que la succession ou tardive ou manquée,

Rendra de tous vos soins l'espérance moquée,

Et que ce dessein seul fait qu'elle vous reçoit ;

Ne doutez nullement que tout cela ne soit.

À moi-même, tantôt elle a fait confidence [615]

De cette trahison qu'elle nomme prudence,

Je suis la Dame même à qui Dom Juan

Plus funeste pour moi que n'est un chat-huant,

A causé le bonheur de se voir dégagée

Par vous, lorsqu'il m'avait chez Hélène assiégée. [620]

Vous m'obligeâtes moins en me sauvant du feu,

Peut-être cet avis vous importune un peu,

Ne vous en prenez point à moi, qui vous le donne,

Je ne fais qu'obéir à certaine personne,

Dame de grand mérite, et qui vous aime assez [625]

Pour souhaiter ailleurs vos feux récompensés,

Sans votre engagement vous auriez avec elle,

Ce que vous n'aurez point avec votre infidèle

Elle a six mille écus de rente : en qualité,

Elle surpasse Hélène, et peut-être en beauté : [630]

Ne considère en vous que votre seul mérite

Et là-dessus, Monsieur, je finis ma visite.

DOM DIÈGUE

Et ne saurais-je point sa demeure et son nom.

LÉONOR

Sans le bien mériter, je pense bien que non.

DOM DIÈGUE

J'irai chez vous l'apprendre.

LÉONOR

Et que dirait Hélène ? [635]

Non, non, n'y venez pas, je n'en vaux pas la peine.