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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/21

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Pour diversifier la conversation.
Ou faisant le jaloux par ostentation,
J’ai le plaisir de voir comment elle s’efforce
D’appaiser un amant qui parle de divorce.
Je paye ses faveurs de vers bien ou mal faits ;
Et nous aimons ainsi tous deux à peu de frais.
Juge si mon amour me rend fort misérable.

Merlin.

Votre relation me la rend toute aimable.
N’avez-vous point appris à sa rare beauté
Votre nom ?

D. Sanche.

Votre nom ? Oui, Merlin, non pas ma qualité,
Non plus que mon pays : mais elle s’imagine
Que je suis pour le moins de royale origine,
Un infant d’Arragon, ou bien de Portugal ;
Car cette Portugaise, un franc original,
Ne reçoit dans ses fers que des gens de la sorte,
À tous autres galans elle ferme la porte.
Elle en souffre parfois par maxime d’État,
Ou pour rendre jaloux quelque gros potentat,
Ou bien pour faire voir qu’à ses yeux rien n’échappe,
Et qu’indifféremment tout le monde elle attrape.

Merlin.

La dame, ou je me trompe, est foible de cerveau.

D. Sanche.

À cela près, elle est aimable, a l’esprit beau ;
Et mille en cette Cour avecque moins de charmes,
Se font rendre tribut de soupirs et de larmes.

Merlin.

Elle est fort mal en meuble, et je gagerois bien
Qu’elle est franche friponne et qu’elle ne vaut rien.
L’autre jour sa suivante, en colére contr’elle,
Disoit tout haut qu’à peine elle était demoiselle.

Stéfanie, cachée.

Nous ne pouvons ouïr ce qu’ils disent d’ici.

D. Sanche.

Mais, nous avons manqué, dont j’ai bien du souci,