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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/28

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Blanche.

Qu’il me parut civil ! qu’il est bien fait, Lizette !

Lizette.

Je croirois bien aussi qu’il vous trouva bien faite.

Blanche.

Comme j’étois Lizette ?

Lizette.

Comme j’étois Lizette ? Oui, comme vous étiez,
Toute pâle, à ses yeux autant vous éclatiez,
Qu’il éclatoit alors aux vôtres par sa mine.

Blanche.

Mais de cet accident, qui fut donc l’origine ?

Lizette.

Votre malheur, le mien, un bourreau de cocher
Toujours saoul, des laquais qu’il faudroit écorcher.
Écoutez comme quoi nous l’échappâmes belle,
Dont, ma foi, nous devons une belle chandelle.
Nous passions sur le pont, sans beaucoup nous hâter,
Et sans avoir dessein de nous précipiter.
Votre cocher étoit, comme vous savez, ivre,
Et vos laquais s’étoient dispensés de vous suivre.
Nous regardions les eaux du clair Mansanarès,
Quand un chien, l’on eût dit qu’il l’eût fait tout exprès,
Fit peur à vos chevaux, dont l’ivrogne de guide
Accablé de sommeil ne tenoit plus la bride :
Du chien effarouchés, ils galopoient fougueux,
Vers où le bord du fleuve à voir même est affreux,
Lorsque ce Cavalier, ou plutôt ce bon ange,
Vola vers vos chevaux d’une vîtesse étrange,
Et coupa leur harnois de son acier tranchant,
Sur le point qu’ils s’alloient jeter dans le penchant.
Nous étions cependant, vous, dans mes bras pâmée,
Moi, de vous voir ainsi tout-à-fait alarmée.
Vous revîntes après de votre pâmoison,
Et lors vos yeux ingrats par grande trahison,
Firent au cavalier une amoureuse plaie.
Voilà de l’accident la relation vraie.

Blanche.

Folle, plains-moi plutôt, et ne me raille point.
Le plaisir qu’on m’a fait, m’inquiete à tel point,