Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/29

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Par la crainte que j’ai de ne le pouvoir rendre,
Que de m’en attrister je ne me puis défendre.

Lizette.

Je crois cette tristesse une naissante amour,
Qui paroît dans vos yeux claire comme le jour.

Blanche.

Amour ? moi ?

Lizette.

Amour ? moi ? Vous ? amour ? êtes-vous une souche ?

Blanche.

Non : mais j’ai de l’honneur.

Lizette.

Non : mais j’ai de l’honneur.Qui vous rend bien farouche.

Blanche.

Quand j’aurois répugnance à vivre sous ses loix,
Une fille prend-elle un époux à son choix ?
N’attends-je pas le mien aujourd’hui ?

Lizette.

N’attends-je pas le mien aujourd’hui ? Mais, madame,
S’il est mal fait de corps aussi-bien que de l’ame ?

Blanche.

Si mon pére me donne un époux odieux,
Pour de mieux faits que lui je fermerai les yeux.

Lizette.

Si quelqu’amour secret l’oblige à la dépense ?

Blanche.

Je réglerai la mienne, et prendrai patience.

Lizette.

S’il est jaloux, avare, impertinent, railleur ?
S’il est fâcheux, mal-propre, ivrogne, ou grand parleur ?
S’il est joueur, s’il perd ses terres et les vôtres ?
Si, cagot, jour et nuit il dit ses patenôtres ?
S’il est chauve, gaucher, rousseau, louche, ou cagneux ?

Blanche.

Le Ciel ne sera pas pour moi si rigoureux ;