Aller au contenu

Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LUCIE

À qui s'adresse-t-elle ?

DOM PEDRO

À Dom Diègue même.

LUCIE

Sans doute elle sera de quelqu'une qui l'aime. [1070]

DOM PEDRO

Dom Diègue en cela suit l'ordre de la Cour ;

On n'est pas Courtisan quand on est sans amour ;

Mais sans y recueillir, bien souvent on y sème,

Et sans y mettre à mal toutes celles qu'on aime,

Les sottes seulement favorisent leurs voeux, [1075]

Mais les sages aussi se gardent fort bien d'eux :

Ils soupirent souvent pour qui leur fait la moue,

Et de plusieurs Beautés qu'ils coucheraient en joue,

Ils n'en blessent souvent pas une, les méchants.

Cependant les maisons, les bois, les prés, les champs, [1080]

Se changent bien souvent en de vieux points de Gênes ;

Les affreux créanciers font sauter les Domaines ;

Et puis ces beaux Messieurs protestent sur leur foi,

Qu'ils se sont ruinés au service du Roi.

Je ferais là-dessus une longue Satire, [1085]

Mais les vieillards, dit-on, ne font rien que médire :

Je ne dis donc plus rien, ça, lisons ce poulet,

Et le recachetons pour le rendre au valet.

LETTRE

Mon cher Époux, Vous avez déjà mis quinze jours en un voyage, pour lequel vous ne m'en aviez demandé que huit ; cela me met en une extrême peine ; et notre petit Janos qui vous demande, et qui vous cherche depuis le matin jusques au soir, se désespère de ne voir plus son papa.Revenez donc vitement, si vous voulez le retrouver en vie ; et cessez par votre absence, de faire mourir mille fois le jour votre fidèle Dorothée.

DOM PEDRO

Quoi, bons Dieux, Dorothée à Dom Diègue aussi,

Dorothée à Madrid, et Dorothée ici, [1090]