Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/411

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Et s’est depuis huit jours retiré dans Orgas,
Où l’on l’a bien reçu, ne le connoissant pas.
En peu de mots, voilà quel est le personnage.

d. alfonse.

Tout ce que tu dis là me donne du courage.

marc-antoine.

Je l’apperçois venir, et le bailli du bourg,
Qui le croit, sot qu’il est, un des grands de la cour.

d. alfonse.

Éloignons-nous.


Scène II.

DOM JAPHET D’ARMÉNIE, LE BAILLI D’ORGAS, FOUCARAL.
d. japhet.

                             Bailli, votre fortune est grande,
Puisque vous m’avez plû.

le bailli.

                                         Le bon dieu vous le rende.

d. japhet.

Peut-être ignorez-vous encore qui je suis,
Je veux vous l’expliquer autant que je le puis,
Car la chose n’est pas fort aisée à comprendre.
Du bon pére Noé j’ai l’honneur de descendre,
Noé qui sur les eaux fit flotter sa maison,
Quand tout le genre humain but plus que de raison.
Vous voyez qu’il n’est rien de plus net que ma race,
Et qu’un crystal auprès paroîtroit plein de crasse :
C’est de son second fils que je suis dérivé.
Son sang de pére en fils jusqu’à moi conservé,
Me rend en ce bas-monde à moi seul comparable.
L’empereur Charles-Quint, ce héros redoutable,
Mon cousin au deux mille-huitantiéme degré,
Trouvant avec raison mon esprit à son gré,
M’a promené long-tems par les villes d’Espagne,
Et depuis m’a prié de quitter la campagne ;