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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/433

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Elle mit dans mes mains un beau petit enfant,
Qui n’avoit pas un jour ; et de plus, de l’argent.
L’enfant étoit paré d’une chaîne massive :
Je ne refusai rien, et la duégne craintive
M’ayant recommandé le secret, s’en alla :
L’enfant est justement la dame que voilà.
Je crois par son moyen que ma fortune est faite,
Comme on me l’a promis, la chose étant secrete.
Or la chaîne, messieurs, n’étoit pas de léton :
Elle étoit d’or ducat, du poids d’un quarteron.
Ma femme…

d. japhet.

                   Taisez-vous, il ne m’importe guére
Si votre chaîne étoit ou pesante ou légére.
Cavalier, vous direz au seigneur commandeur
Que le noble Japhet est fort son serviteur,
Et qu’il se réjouit que son nom soit Toléde ;
Qu’en noblesse ici-bas le roi même me céde :
Car je suis dom Japhet, de Noé petit-fils,
D’Arménie est mon nom, par un ordre préfix,
Qu’avant sa mort laissa ce fameux patriarche,
Parce qu’en Arménie un mont reçu son arche.
Dites-lui que je puis avec lui m’allier,
Puisque sa niéce et moi sommes à marier ;
Qu’à cause de mon deuil il seroit peu honnête
Que j’allasse chez lui si-tôt troubler la fête ;
Et que par bienséance, il le faudra laisser
Quelque tems tout son soul sa niéce caresser :
Dites-lui que j’irai le trouver en personne :
Et malheur pour Orgas, puisque je l’abandonne,
Partez.

rodrigue.

           Comment partez ! quel est donc ce seigneur ?

le bailli.

C’est le grand dom Japhet.

marc-antoine.

                                De la terre l’honneur.

le bailli.

Cousin de Charles-Quint.