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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/476

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Ce bienheureux amant dans sa chambre introduit,
Où vraisemblablement il a passé la nuit,
Fait bien voir qu’elle l’aime, et qu’elle en est aimée.

d. alvare.

Et comment l’a-t-on su ?

le harangueur.

                                        Sa chambre mal fermée
Les a laissés surprendre à notre commandeur ;
Soit qu’il fût averti, soit que le seul malheur
Ait conduit notre maître à voir son infamie,
Lorsqu’il pensoit trouver une niéce endormie.
Il ne s’est point troublé, le téméraire amant ;
Aux cris du commandeur, nos gens en un moment
Sont venus bien armés au secours de leur maître ;
L’autre valet du fou, camarade peut-être
De ce jeune écolier, s’est mis à son côté ;
Et lui, sans s’effrayer de l’inégalité,
A fait tout ce qu’eût fait le plus brave des hommes.
Oui, jamais il n’en fut en la terre où nous sommes,
De plus vaillant que lui : c’est un Roland, un Cid,
Il a blessé nos gens jusques au petit ;
Notre commandeur même est blessé dans l’épaule :
Enfin on a saisi cet Amadis de Gaule,
Et sous son jupon noir qui le décréditoit,
Non sans étonnement, on a vu qu’il portoit
Un riche vêtement, non d’un homme ordinaire,
Mais bien d’un grand seigneur, soi-disant secretaire.
Quoique pris, on l’a vu conserver sa fierté,
Comme un jeune lion dans les fers arrêté.
Madame Léonor dans sa chambre est pâmée,
Où notre commandeur l’a lui-même enfermée.

elvire.

Quel étrange malheur !

le harangueur.

                                          Je crois que le voici.