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Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/52

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Scène IV

DOM BLAIZE, DOM SANCHE, MERLIN, ORDUGNO.
D. Blaize.

Ordugno ?

Ordugno.

Ordugno ?Monseigneur ?

D. Blaize.

Ordugno ? Monseigneur ?Que je périsse infame,
Si je prends dans Madrid belle ni laide femme.
Comment ! un étranger y paroît-il soudain ?
Les femmes du pays le courent comme un daim.
Mon frère, justement au sortir de la porte,
Deux dames de qui l’une à l’autre sert d’escorte,
Et certain quinola qui sert à la mener,
Comme un liévre gîté me sont venu tourner,
Et celle qui des deux m’a paru la maîtresse,
D’une démarche fiére et d’un air de princesse,
M’est venu sottement, soit pour mal, soit pour bien,
Regarder sous le nez, et m’a caché le sien.
J’ai cru cette action d’abord une passade,
Et l’inutile effet d’une folle boutade :
Mais maîtresse, suivante et le vieil écuyer,
N’ont point abandonné leur prétendu gibier.
Ils m’ont depuis céans jusqu’à l’hôtellerie
Toujours envisagé de la même furie :
La Dame cheminant tantôt à mon côté,
Tantôt me devançant d’un pas précipité,
Et tantôt se faisant par moi laisser derriére,
Le retour s’est passé de la même maniére :
Là-dessus j’ai sifflé, vous m’avez fait ouvrir.
La Dame que mes yeux font sans-doute mourir,
(Et ce n’est pas ici le premier de leurs crimes,
Ils ont bien fait tomber ailleurs d’autres victimes)
M’a fait, comme j’entrois, entendre un grand soupir,
Très-infaillible effet d’un amoureux desir.
Et de là je conclus, que je serois peu sage,
Si j’allois dans Madrid me joindre en mariage,
Où d’abord que j’arrive, on me court nuit et jour,
Où l’homme est le cruel, la femme y fait l’amour ;