Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/546

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S'il est vrai que toujours j'ai régné dans son coeur ?

Mais aussi s'il est vrai qu'elle n'a plus d'honneur ?

Si lorsque entre deux maux dont l'un se peut élire,

C'est toujours le plus sûr que d'éviter le pire, [1295]

Achevons son hymen, et sans plus hésiter,

Pour lui rendre l'honneur, laissons-nous tout ôter

Mais quand l'aurai perdu toute mon espérance,

Me répons-tu mon coeur de ton indifférence ?

Et la pourras-tu voir dans les bras d'un rival [1300]

Au milieu des plaisirs se riant de mon mal ?

Es-tu bien assuré qu'une jalouse rage

Ne tourne ses efforts contre mon propre ouvrage,

Et que me repentant d'être amant généreux,

Je ne trouble la paix de ces amants heureux ? [1305]

Mais fuis des passions dont tu n'es pas le Maître,

Sois généreux mon coeur, on ne saurait trop l'être :

Rentrons dans cette chambre, allons-y sans témoins

Abandonner notre âme à ses tragiques soins.

Attendons-y l'effet que nous pourra produire [1310]

Un hymen qu'autrefois j'aurais voulu détruire ;

Et quoique cet hymen nous satisfasse ou non,

Empêchons notre bras de noircir notre nom.


ACTE V




Scène I

LÉONORE.

Aveugle déité ! Sujette au changement,

Qui fais tout sans raison, sans choix, et sans mesure, [1315]

Et qui rends malheureux le plus fidèle amant,

Aussitôt que le plus parjure,

Si l'injuste Carlos douta de mon amour ;

S'il me reprend son coeur pour le donner à Flore ;

Si je trouve en tous lieux Dom Sanche que j'abhorre, [1320]

Quel mal, cruel destin, me peux-tu faire encore,

Si tu ne te résous à me priver du jour ?

Si tu ne te résous à me priver du jour ;