Aller au contenu

Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/547

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Si tu ne me fais pas cette grâce funeste,

De sortir de tes mains, et de celles d'amour ; [1325]

Je me sens des forces de reste,

Accoutumé peut-être à me voir tant souffrir.

Tu crains qu'après ma mort enfin je ne repose,

Mais pour finir ma vie, il suffit que je l'ose,

Et ta rigueur en vain à ce dessein s'oppose, [1330]

Si la seule douleur nous peut faire mourir.

Si la seule douleur nous peut faire mourir,

Faisons agir la nôtre et lui laissons tout faire ;

Peut-être qu'à l'ingrat qui ne me peut souffrir,

Mon trépas au moins pourra plaire. [1335]

Finissons tout d'un temps ma vie, et mon malheur,

Sous les loi de l'amour. Qui toujours malheureuse,

Endure sans espoir une peine amoureuse,

Doit s'en tirer soi-même, et suivre courageuse

Les funestes desseins qu'inspire la douleur. [1340]

Les funestes desseins qu'inspire la douleur.

En l'état où je suis me sont aisés à suivre ;

Qui redoute la mort, mérite son malheur,

Quand c'est l'augmenter que de vivre.

Je mourrai cher Carlos ; mais pourrais-je espérer, [1345]

Quand des pâles esprits j'augmenterai le nombre,

De sortir quelquefois de ma demeure sombre,

D'errer autour de toi, te faire voir mon ombre ?

Hélas ! Si la voyant tu pouvais soupirer.

Hélas ! Si la voyant tu pouvais soupirer. [1350]

Que ne devrais-je point à ton âme attendrie ?

Que pourrais-je en vivant davantage espérer.

Quand tu m'aurais toujours chérie ?

Mais ne nous flattons pas plus d'inutiles désirs,

Quand nos corps ne sont plus qu'un amas de poussière, [1355]

Ils ne reprennent plus leur figure première.

Et l'on perd à la fois en perdant la lumière

Et l'usage des maux, et celui des plaisirs.

Mais je le vois, l'auteur des peines que j'endure ;

               Dom Sanche et Cardille entrent. 

Éloignons un objet de si mauvais augure. [1360]

               Elle sort. 

Scène II

Dom Sanche, Cardille

DOM-SANCHE.