Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/572

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   Et sçait-il que mon coeur ne peut trop détester,
   Celuy qui m'oste Alcandre, & s'en ose vanter;
   Veut-il du sang encore apres celuy d'Alcandre,
   Et m'offre-t'il le fer qui vient de le repandre?

SEBASTE.

   Orosmane....

ELISE.

                Ostez vous estranger odieux,
   Ce qui vient d'Orosmane est horrible à mes yeux,
   Ha ne les ouvrons plus que pour verser des larmes,
   Renonçons pour jamais aux objets pleins de charmes,
   Donnons nous toute entiere à nos tristes ennuis,
   Et faisons de nos jours des éternelles nuicts.
   C'estoit donc de nos feux la trompeuse esperance,
   C'est donc ce que le Ciel gardoit à sa constance,
   Dans un temps où son bras secondant sa valeur,
   Estoit prest d'establir nostre commun bon-heur;
   De luy rendre un Royaume usurpé par mon Pere,
   Et de me conserver la Cypre hereditaire?
   Ne viens donc plus espoir, de tes trompeurs appas,
   Adoucir des tourmens que tu ne gueris pas,
   Puisque je pers Alcandre, & que je le veux suivre,
   Dequoy peux tu servir à qui ne veut plus vivre?
   Oüy bientost dans le Ciel où tu vis loin de moy,
   Je t'y joindray bien-tost pour n'estre plus qu'à toy,
   Belle ame qui quittas, & fis tout pour Elise,
   Et seule eus le pouvoir d'asservir sa franchise.



Scène V


ELISE, ALCIONNE.


ELISE.

   O ma soeur! vous voyez mes yeux moüillez de pleurs,
   Ils ne sont point causez par nos communs malheurs.
   J'ay pleuré comme vous une perte commune;
   Mais le Ciel ennemy me cause une infortune,
   A moy seule funeste, à moy seule à pleurer,
   Et que tout son pouvoir ne sçauroit reparer.