Page:Scarron-oeuvres Tome 6-1786.djvu/585

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tourment,

   Et découvrir sa flâme à celuy qui la cause?
   Si ce n'est le prier, il s'en faut peu de chose.
   O Dieux! quand je reproche à mon esprit confus,
   Que je vien de courir le danger d'un refus;
   Qu'il n'est rien de plus bas qu'une inutile plainte,
   Qu'aysement je m'engage aux loix de la contrainte,
   A ne croire jamais mes desirs trop ardens;
   A deffendre à mon coeur ses soûpirs imprudens.
   Mais en vain on le cache; un air triste au visage,
   Une langueur aux yeux, sont un muet langage,
   Qui trahit le secret d'un soûpir retenu,
   Et le feu de l'amour tost ou tard est connu.
   Non non, triste Princesse, il faut cesser de vivre,
   C'est le meilleur conseil que tu peux jamais suivre.
   Choisis, choisis la mort plustost que de rougir;
   Laisse à ton desespoir la liberté d'agir,
   Et soit que ton Amant vainque, ou perde la vie,
   Meurs de ton déplaisir, ou de ta jalousie.


Fin du second Acte


ACTE III



Scène I


NICANOR, CRITON.


NICANOR.

   Le Corsaire Orosmane a donc pris terre ainsi?

CRITON.

   Et renvoyé sa barque & ses Soldats aussi,

NICANOR.

   Et mon fils?

CRITON.

                Et le Prince a de la mesme sorte,
   Renvoyé les Soldats qui luy servoient d'escorte.
   Ils se sont allé battre au pied d'un grand rocher,
   Où sans se faire voir on ne peut ap